En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »
Enseignement de Jésus :
« De l’épisode de la Cène, en plus de la considération de la charité d’un Dieu qui se fait nourriture pour les hommes, quatre enseignements principaux ressortent.
(…) Voilà la différence entre la personne qui passe dans l’autre vie après s’être nourrie de charité, de foi, d’espérance comme de toute autre vertu et doctrine céleste, ainsi que du Pain angélique qui l’accompagne avec ses fruits dans son dernier voyage — c’est encore mieux avec la présence réelle —, et la personne qui décède après une vie de brute avec une mort de brute que la grâce et l’Eucharistie ne réconfortent pas.
La première, c’est la fin sereine du saint à qui la mort ouvre le Royaume éternel. La seconde, c’est la chute effrayante du damné qui se voit précipité dans la mort éternelle, et connaît en un instant ce qu’il a voulu perdre sans plus aucune possibilité d’y remédier. Pour l’un, c’est l’enrichissement, pour l’autre le dépouillement. Pour l’un la béatitude, pour l’autre la terreur.
Voilà ce que vous vous obtenez selon votre foi et votre amour, ou votre incroyance et le mépris de mon don. C’est l’enseignement de cette contemplation. »
Le prêtre devrait agir comme le berger envers ses brebis (1/2)
Jésus dit :
« Voici une page douloureuse à dicter, à écrire, à lire. Mais c’est la vérité et elle sera dite. Écris. Elle est destinée aux prêtres.
L’on accuse beaucoup les fidèles d’être peu fidèles et très tièdes. L’on accuse beaucoup les hommes de ne pas avoir de charité, ni de pureté, ni de détachement des richesses, ni d’esprit de foi. Mais, de même que les enfants sont, à de rares exceptions près, tels que leurs parents les forment, moins par les punitions que par l’exemple, de même les fidèles sont, à part les exceptions qui existent toujours, tels que les prêtres les forment, moins par les paroles que par l’exemple.
Les églises disséminées au milieu des maisons de l’homme devraient être une sorte de phare et un lieu de purification. Il devrait s’en dégager une lumière douce et puissante, pénétrante et attirante qui, comme il en est de la lumière du jour, pénètre au fond des cœurs en dépit de toutes les serrures.
Voyez une belle journée d’été. Le soleil diffuse une lumière glorieuse qui embrasse la terre, si victorieuse et puissante que, même dans la pièce la mieux fermée, l’obscurité n’est jamais complète. Ce peut être un rayon fin comme un cheveu de bébé, ce peut être un point qui tremble sur un mur, ce peut être une poussière d’or qui danse dans l’air, mais il y a, dans cette pièce, un petit signe de lumière qui témoigne que le soleil de Dieu resplendit au-dehors.
Il en va de même des cœurs les plus barricadés : s’il se dégageait, des églises disséminées parmi les maisons, une “lumière” comme celle que je vous ai donnée pour signe, ô prêtres que j’appelle “lumière du monde” – je vous ai appelés ainsi quand je vous ai créés –, un fil, un point, une poussière de lumière y pénétrerait ; cela suffirait à rappeler qu’il existe “une Lumière” sur le monde, à donner aux cœurs faim de lumière, de “cette Lumière”.
Mais combien y a-t-il d’églises dont il émane une lumière vive au point de forcer les portes fermées des cœurs et d’y pénétrer pour porter Dieu, Dieu qui est Lumière ? Vous, curés, prêtres et moines, vous tous que j’ai appelés à me porter dans les cœurs, combien y a-t-il d’âmes, dans vos églises, qui soient enflammées de charité au point d’arriver à vaincre le gel des âmes et à porter dans les cœurs des hommes l’amour de Dieu et l’amour pour Dieu, pour Dieu qui est Charité ?
Les hommes pris dans leurs souffrances – et je suis seul à savoir combien elles sont nombreuses –, devraient pouvoir considérer leur église comme une mère sur le sein de laquelle on va pleurer et entendre des mots de réconfort après avoir raconté tous ses problèmes, avec la certitude d’être écouté et compris. Leurs souffrances sont différentes des vôtres, ou du moins les vôtres devraient être différentes des leurs, car vous devriez uniquement souffrir des peines provoquées par votre zèle pour votre Seigneur Dieu qui n’est pas assez aimé, pour les fidèles qui se perdent, pour les pécheurs qui ne se convertissent pas: ce sont celles-ci, et nulle autre, qui devraient être vos souffrances. Car, en vous appelant, je ne vous ai pas indiqué un palais, une table, une bourse, une famille, mais une croix, ma croix, sur laquelle je suis mort nu, sur laquelle j’ai expiré seul, sur laquelle je suis monté après m’être détaché, dépouillé de tout, et même de ma pauvreté qui était richesse comparée à ma misère de condamné à qui il ne reste plus que l’échafaud fait d’un peu de bois, de trois clous et d’une poignée d’épines tissées en couronne; tout cela pour dire à tous – et à vous en particulier – que les âmes sont sauvées par le sacrifice, par la générosité dans le sacrifice qui va jusqu’au dépouillement total et absolu des affections, du confort, du nécessaire, de la vie. » [...]
Les Cahiers de 1944, 27 janvier