En ce temps-là, les disciples de Jésus lui dirent : « Voici que tu parles ouvertement et non plus en images. Maintenant nous savons que tu sais toutes choses, et tu n’as pas besoin qu’on t’interroge : voilà pourquoi nous croyons que tu es sorti de Dieu. » Jésus leur répondit : « Maintenant vous croyez ! Voici que l’heure vient – déjà elle est venue – où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi. Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. »
(…) – Ah ! maintenant, tu t’expliques. Maintenant, nous savons ce que tu veux dire et que tu connais tout, et que tu n’as pas besoin qu’on t’interroge pour répondre. Vraiment, tu viens de Dieu !
– Vous croyez à présent ? A la dernière heure ? Cela fait trois ans que je vous parle ! Mais déjà opèrent en vous le Pain, qui est Dieu, et le Vin, qui est Sang, qui n’est pas venu de l’homme et vous donne le premier frisson de la déification. Vous deviendrez des dieux si vous persévérez dans mon amour et dans ma possession. Non pas comme Satan l’a dit à Adam et Eve, mais comme je vous le dis, moi. C’est le véritable fruit de l’arbre du bien et de la vie. Le mal est vaincu par qui s’en nourrit, et la mort est morte. Qui en mange vivra éternellement et deviendra “ dieu ” dans le Royaume de Dieu. Vous serez des dieux si vous demeurez en moi. Et pourtant … vous avez beau avoir en vous ce Pain et ce Sang, l’heure vient où vous serez dispersés : vous vous en irez chacun de votre côté et vous me laisserez seul… Mais je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi. Père, Père ! Ne m’abandonne pas ! Je vous ai tout dit… pour vous donner la paix, ma paix. Vous serez encore opprimés. Mais ayez foi, j’ai vaincu le monde.
Le prêtre devrait agir comme le berger envers ses brebis (2/2)
Jésus dit :
[...] « Les hommes, dans leurs moments d’obscurité provoqués par tant de causes, – qui ne proviennent pas toujours de leur volonté propre mais sont imposées par la volonté d’autrui, par un ensemble de circonstances qui les incitent à croire à l’erreur ou à douter de Dieu –, les hommes, donc, devraient trouver en vous des porteurs de lumière – de ma lumière –, des hommes compatissants comme le bon Samaritain, des maîtres comme votre Maître, des pères comme votre Père.
La terre, corrompue par tant de choses, fermente comme un corps en décomposition qui contamine les âmes par sa puanteur de péché. Mais les cœurs seraient purifiés si les églises disséminées parmi les maisons étaient des encensoirs où un prêtre vit avec ardeur et brûle d’amour, et la puanteur du monde serait contrebalancée par le parfum de Dieu suintant du cœur des prêtres qui vivent dans un état de totale “fusion” avec Dieu et s’anéantissent en Dieu au point d’être uniquement comme moi, qui suis dans le saint-sacrement à la disposition de l’homme à tout moment. En effet, moi, Dieu, j’y suis sans fatigues, sans orgueil, sans résistance.
De tels prêtres, des prêtres parfaits, ressemblent au soleil. Ils aspirent les âmes au ciel comme s’il s’agissait de gouttes d’eau, ils les purifient dans l’atmosphère du ciel ; elles deviennent alors comme des nuages qui se dissolvent délicatement en rosée bénéfique pendant la nuit, discrètement, pour porter un peu de fraîcheur sur les plaies et sur la soif brûlante des âmes, ces pauvres fleurs blessées par tant de choses.
Ils aspirent: pour aspirer [les âmes] à soi, il faut avoir une grande force. Seul un très vif amour pour le Seigneur et pour le prochain peuvent la procurer. Si vous êtes bien établis en Dieu, en haut, tout en haut au-dessus de la terre, vous pouvez, si vous le voulez, attirer les âmes à vous, c’est-à-dire à Dieu, en qui vous vivez. C’est une entreprise qui exige générosité et constance. Le moindre battement de cil doit servir ce but. Toutes vos actions doivent tendre à cela. Il est des regards qui peuvent convertir un cœur quand Dieu y brille.
Ils se dissolvent: se sacrifier, de toutes les manières, en secret, en apportant aux âmes desséchées le rafraîchissement céleste qui se répand si doucement qu’elles ne savent pas à quel moment cela a eu lieu, mais elles se découvrent humides. Exactement comme le fait la rosée qui tombe, silencieuse et pudique, pendant que tout repose – les hommes, les animaux et les fleurs –, lave l’air des impuretés du jour, désaltère et couvre de perles les plantes et les feuillages.
Sacrifice, sacrifice, sacrifice, ô prêtres ! Prière, prière, prière, ô pasteurs !
Je vous ai appelés “pasteurs”. Je ne vous ai appelés ni “solitaires” ni “capitaines”. Le solitaire vit par lui-même. Le capitaine marche à la tête des siens. Mais le “pasteur” se tient au milieu de son troupeau et le surveille. Il ne s’isole pas, car le troupeau se disperserait. Il ne marche pas à la tête, car les tête-en-l’air du troupeau resteraient à l’écart du chemin, à la proie des loups et des voleurs.
A moins d’être fou, le pasteur vit au milieu de son troupeau, il l’appelle, le regroupe, il va inlassablement de l’avant à l’arrière ; il le précède dans les difficultés, qu’il examine en premier et aplanit le plus possible ; il rend sûrs les passages malaisés par ses efforts, puis il reste à l’endroit difficile pour surveiller le passage de ses brebis ; s’il voit que l’une d’elles est apeurée ou faible, il la prend sur les épaules et lui fait traverser l’endroit dangereux ; il ne s’enfuit pas si le loup vient, mais il se jette sur lui devant ses brebis et les défend, quand bien même il devrait mourir pour les sauver. Il s’immole pour elles, pour assouvir la faim du fauve, de sorte qu’il ne se sente plus le besoin de dévorer. Que de fauves s’en prennent aux âmes ! Le pasteur ne se perd pas en de vains discours avec les passants, il ne se distrait pas avec des choses qui ne sont pas de sa compétence. Il s’occupe de son troupeau, et voilà tout.»
Les Cahiers de 1944, 27 janvier