En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes : les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile. Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Au milieu de la nuit, il y eut un cri : “Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.” Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe. Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.” Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.” Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : “Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !” Il leur répondit : “Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.” Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
(…) Et maintenant, écoutez la leçon à tirer de cette parabole.
Je vous ai dit au début que le Royaume des Cieux est la maison des noces qui s’accomplissent entre Dieu et les âmes. Tous les fidèles sont appelés aux noces célestes, car Dieu aime tous ses enfants. Les uns plus tôt, les autres plus tard, tous parviennent au moment des noces, et c’est un sort heureux que d’y être arrivé. Mais écoutez encore : vous savez que les jeunes filles considèrent comme un honneur et une chance d’être appelées comme servantes autour de l’épouse. Voyons dans notre cas ce que représentent les personnages et vous comprendrez mieux.
L’Epoux, c’est Dieu. L’épouse, c’est l’âme d’un juste qui, après avoir passé le temps des fiançailles dans la maison du Père, c’est-à-dire sous la protection de la doctrine de Dieu et dans l’obéissance à cette doctrine, en vivant selon la justice, est amenée dans la maison de l’Epoux pour les noces. Les servantes-vierges sont les âmes des fidèles qui, grâce à l’exemple laissé par l’épouse, cherchent à arriver au même honneur en se sanctifiant. Pour l’épouse, le fait d’avoir été choisie par l’époux à cause de ses vertus, est en effet le signe qu’elle était un exemple vivant de sainteté.
Les vierges portent des vêtements blancs, propres et frais, ainsi qu’un voile blanc, et sont couronnées de fleurs. Elles tiennent dans leurs mains des lampes allumées. Les lampes sont bien nettoyées, avec la mèche nourrie de l’huile la plus pure afin qu’elle ne soit pas malodorante.
En vêtements blancs. La justice pratiquée avec fermeté donne des vêtements blancs et bientôt viendra le jour où ils seront parfaitement blancs, sans même le plus lointain souvenir d’une tache, d’une blancheur surnaturelle, d’une blancheur angélique.
En vêtements propres. Il faut, par l’humilité, garder ses vêtements toujours propres. Il est bien facile de ternir la pureté du cœur, et celui qui n’a pas le cœur pur ne peut voir Dieu. L’humilité est comme une eau qui lave. L’humble, parce que son œil n’est pas obscurci par la fumée de l’orgueil, s’aperçoit tout de suite qu’il a terni son vêtement. Il court vers son Seigneur et lui dit : “ J’ai perdu la netteté de mon cœur. Je pleure pour me purifier. Je pleure à tes pieds. Et toi, mon Soleil, blanchis mon vêtement par ton pardon bienveillant, par ton amour paternel ! ”
En vêtements frais. Ah ! La fraîcheur du cœur ! Les enfants la possèdent par un don de Dieu. Les justes la possèdent par un don de Dieu et par leur propre volonté. Les saints la possèdent par un don de Dieu et par une volonté allant jusqu’à l’héroïsme. Mais les pécheurs, dont l’âme est en loques, brûlée, empoisonnée, salie ne pourront-ils donc jamais plus avoir un vêtement frais ? Oh si ! Ils le peuvent. Ils commencent à recouvrer cette innocence à partir du moment où ils se regardent avec mépris, ils l’augmentent quand ils ont décidé de changer de vie, et ils la perfectionnent quand, par la pénitence, ils se lavent, se désintoxiquent, se soignent, refont leur pauvre âme. D’une part grâce à l’aide de Dieu, qui ne refuse pas ses secours à qui demande son aide sainte, d’autre part par leur propre volonté portée à un degré qui dépasse l’héroïsme — car en eux il n’y a pas lieu de protéger ce qu’ils possèdent, mais de reconstruire ce qu’ils ont abattu, ce qui nécessite le double d’effort, si ce n’est même trois fois, sept fois plus —, enfin par une pénitence inlassable, implacable à l’égard du moi qui était pécheur, ils ramènent leur âme à une nouvelle fraîcheur d’enfant, rendue précieuse par l’expérience qui fait d’eux des maîtres pour ceux qui autrefois étaient comme eux, c’est-à-dire pécheurs.
En voiles blancs. L’humilité ! J’ai dit : “ Quand vous priez ou faites pénitence, faites en sorte que le monde ne s’en aperçoive pas. ” Dans les livres sapientiaux, il est écrit : “ Il n’est pas bien de révéler le secret du Roi. L’humilité est le voile blanc que l’on met pour le défendre sur le bien que l’on fait et sur celui que Dieu nous accorde. Il ne faut pas se glorifier de l’amour privilégié que Dieu nous accorde, ni rechercher une sotte gloire humaine. Ce don serait retiré sur-le-champ. Mais que le cœur chante intérieurement à son Dieu : “ Mon âme te glorifie, Seigneur… parce que tu as tourné les yeux vers la bassesse de ta servante. ” »
Jésus s’arrête un instant et jette un regard vers sa Mère qui rougit sous son voile et s’incline profondément comme pour remettre en place les cheveux de l’enfant assis à ses pieds, mais en réalité pour cacher l’émotion de son souvenir…
« Couronnée de fleurs. L’âme doit tresser sa guirlande quotidienne d’actes vertueux, car, en présence du Très-Haut, il ne doit rien rester de vicieux et il convient de ne pas avoir l’aspect négligé. Guirlande quotidienne, ai-je dit, car l’âme ne sait pas quand Dieu (l’Epoux) lui apparaîtra pour lui dire : “ Viens. ” Il ne faut donc pas se lasser de renouveler la couronne. N’ayez pas peur. Les fleurs perdent leur fraîcheur, mais les fleurs des couronnes vertueuses ne la perdent pas. L’ange de Dieu, que chaque homme a auprès de lui, recueille ces guirlandes quotidiennes et les apporte au Ciel ; là, elles serviront de trône au nouveau bienheureux quand son âme entrera comme épouse dans la maison nuptiale.
Elles tiennent leurs lampes allumées, à la fois pour honorer l’Epoux et pour se guider en chemin. Comme la foi est brillante et quelle douce amie elle est ! Elle donne une flamme qui rayonne comme une étoile, une flamme joyeuse car elle a une certitude sereine, une flamme qui rend lumineux jusqu’à l’instrument qui la porte. Même le corps de l’homme que nourrit la foi semble, dès cette terre, devenir plus lumineux et plus spirituel, exempt d’un vieillissement précoce. Car celui qui a la foi se laisse guider par les paroles et les commandements de Dieu pour parvenir à posséder Dieu, sa fin ; c’est pourquoi il fuit toute corruption, il n’a ni trouble, ni peur, ni remords, il n’est pas obligé de faire des efforts pour se rappeler ses mensonges ou pour cacher ses mauvaises actions, et il se garde beau et jeune de la belle incorruptibilité des saints. Une chair et un sang, une âme et un cœur purs de toute luxure pour conserver l’huile de la foi, pour donner une lumière sans fumée. Une volonté constante pour nourrir toujours cette lumière.
La vie de chaque jour avec ses déceptions, ses constatations, ses contacts, ses tentations, ses frictions, tend à diminuer la foi. Non ! Cela ne doit pas se produire. Allez chaque jour aux sources de l’huile suave, de l’huile de la sagesse, de l’huile de Dieu. Une lampe peu alimentée peut s’éteindre au moindre souffle, elle peut être éteinte par la lourde rosée de la nuit. La nuit… L’heure des ténèbres, du péché, de la tentation vient pour tous. C’est la nuit de l’âme. Mais si elle se remplit, elle-même, de foi, sa flamme ne peut être éteinte par les vents du monde ni par le brouillard de la sensualité.
Pour conclure, vigilance, vigilance, vigilance. L’imprudent qui ose dire : “ Oh ! Dieu viendra à un moment où j’aurai encore la lumière en moi ”, qui se met à dormir au lieu de veiller, à dormir dépourvu de ce qu’il faut pour se lever promptement au premier appel, qui attend le dernier moment pour se procurer l’huile de la foi ou la mèche résistante de la bonne volonté, court le risque de rester dehors à l’arrivée de l’Epoux. Veillez donc avec prudence, avec constance, avec pureté, avec confiance pour être toujours prêts à l’appel de Dieu, car en réalité vous ne savez pas quand il viendra.
Jésus dit :
« Comment pouvez-vous vous asseoir avec satisfaction à table et partager joyeusement une nourriture abondante avec vos enfants, en sachant que non loin de là des frères ont faim ?
Comment pouvez-vous aller vous reposer dans un lit confortable alors que vous savez que dehors, dans la nuit, il y a des hommes sans couche et sans abri ?
Ne vous brûlent-elles pas la conscience, ces pièces de monnaie que vous renfermez dans vos coffres-forts, sachant que beaucoup n’ont pas un sou pour s’acheter un pain ?
Vous m’avez dit que vous croyez au Seigneur très-haut et que vous observez la Loi, que vous connaissez les prophètes et les livres de la Sagesse.
Vous m’avez dit que vous croyez en moi et que vous êtes avides de mon enseignement.
Alors faites preuve de bonté, car Dieu est amour et prescrit l’amour : la Loi est amour, les prophètes et les livres de la Sagesse conseillent l’amour et ma Doctrine est une doctrine d’amour.
Sacrifices et prières sont vains, s’ils n’ont comme base et comme autel l’amour du prochain, et spécialement du pauvre indigent, à qui il est possible de témoigner de l’amour sous toutes ses formes en lui procurant du pain, un lit, des vêtements, du réconfort et un enseignement, en le conduisant à Dieu.
La misère, par son avilissement, amène l’âme à perdre cette foi en la Providence qui est salutaire pour tenir bon dans les épreuves de la vie. Comment pouvez-vous prétendre que les malheureux soient toujours bons, patients, pieux, quand ils voient que ceux qui reçoivent tous les bienfaits de la vie et — selon les idées communes — de la Providence, ont le cœur dur, sont sans religion véritable — car il manque à leur religion la première et la plus essentielle des parties : l’amour —, sont sans patience et qu’eux, qui ont tout, ne savent même pas supporter les supplications des affamés ? [...]
Il y a une Providence, et vous en êtes les serviteurs, vous, les riches du monde. Considérez qu’être ses intermédiaires est le plus grand honneur que Dieu vous fait et l’unique moyen de rendre saintes les richesses dangereuses.
Et agissez comme si, en chacun d’eux, vous me voyiez moi-même.
Je suis en eux.
J’ai voulu être pauvre et persécuté pour être comme eux, et pour que le souvenir du Christ pauvre et persécuté persiste au cours des siècles, jetant une lumière surnaturelle sur ceux qui sont dans cette situation, comme le Christ, une lumière qui vous les fasse aimer comme d’autres moi-même.
Car je suis dans le mendiant qu’on rassasie, dont on calme la soif, que l’on habille, que l’on loge.
Je suis dans l’orphelin recueilli par amour, dans le vieillard qu’on secourt, dans la veuve qu’on aide, dans le pèlerin qu’on loge, dans le malade qu’on soigne.
Et je suis encore dans l’affligé qu’on réconforte, dans celui qu’on rassure face à ses doutes, dans l’ignorant qu’on instruit.
Je suis là où on reçoit l’amour.
Et tout ce vous aurez fait à un frère dépourvu de moyens matériels ou spirituels, c’est à moi que vous l’aurez fait.
Car je suis le Pauvre, l’Affligé, l’Homme des douleurs, et cela pour procurer richesse, joie, vie surnaturelles à tous les hommes qui, bien des fois, — ils ne le savent pas, mais c’est ainsi — ne sont riches qu’extérieurement, et joyeux d’une joie seulement apparente. En fait, ils sont tous pauvres des vraies richesses et des vraies joies, car ils sont privés de la grâce à cause de la Faute originelle. »