En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
(...) Je ne vous laisserai pas orphelins. Je vous l’ai déjà dit : « Je reviendrai à vous. » Mais je viendrai avant l’heure de venir vous prendre pour aller dans mon Royaume. Je viendrai à vous. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous me voyez et vous me verrez, parce que je vis et que vous vivez, parce que je vivrai et que, vous aussi, vous vivrez. Ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous. Car celui qui fait bon accueil à mes commandements et les observe, celui-là m’aime ; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père et il possédera Dieu, car Dieu est charité et celui qui aime a Dieu en lui. Et moi aussi je l’aimerai, car en lui je verrai Dieu, et je me manifesterai à lui en lui faisant connaître les secrets de mon amour, de ma sagesse, de ma Divinité incarnée. Tels seront mes retours parmi les fils des hommes, car je les aime, bien qu’ils soient faibles, sinon même ennemis. Mais ceux-ci seront seulement faibles. Je les fortifierai et je leur dirai : « Lève-toi ! », « Viens dehors ! », « Suis-moi », « Ecoute », « Ecris »… et vous êtes de ceux-ci.
– Pourquoi, Seigneur, te manifestes-tu à nous et pas au monde ? demande Jude.
– Parce que vous m’aimez et observez mes paroles. Celui qui agira ainsi sera aimé de mon Père, nous viendrons à lui et nous établirons notre demeure chez lui, en lui. En revanche, celui qui ne m’aime pas n’observe pas mes paroles et agit selon la chair et le monde. Maintenant, sachez que ce que je vous ai dit n’est pas parole de Jésus de Nazareth, mais parole du Père, car je suis le Verbe du Père qui m’a envoyé. Je vous ai dit cela en parlant ainsi, avec vous, parce que je veux vous préparer moi-même à la possession complète de la vérité et de la sagesse. Mais vous ne pouvez encore comprendre et vous souvenir. Quand le Consolateur viendra sur vous, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, alors vous pourrez comprendre. Il vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit. (...)
[Maria Valtorta décrit la scène qu'elle reçoit]
Je vois la pièce où la Cène a eu lieu.
[...] La Mère est assise au centre de la table. A sa droite se trouve Pierre, à sa gauche Jean. La Mère a devant elle un coffre large et bas, de style oriental, et qui est fermé. Des rouleaux y sont appuyés. Il sert ainsi de pupitre. [...]
Marie lit à haute voix. Les autres suivent sa lecture en silence et ils répondent quand il le faut. J’entends donc de nouveau l’expression “Maran ata” que j’ai déjà entendue une autre fois, je ne me rappelle plus quand ni qui l’a dite. Ce doit être une sorte d’“ainsi soit-il” ou de “loué soit le Seigneur”, car elle est dite comme nous disons, nous, un répons jaculatoire final.
Marie sourit tout en lisant. C’est, pour ainsi dire, un sourire intérieur. Elle sourit à une pensée. Elle ne regarde personne et, par conséquent, ne sourit à personne. C’est bien à une pensée d’amour qu’elle sourit, à je ne sais quelle vision intérieure bienheureuse. Elle sourit. Les apôtres l’écoutent et la regardent sourire ainsi, tandis que sa voix douce prend des allures de chant à la lecture des psaumes (je suppose qu’il s’agit de psaumes) dans la langue d’Israël.
Pierre est tout ému de l’entendre, et deux grosses larmes coulent le long des rides qui longent son nez et se perdent dans sa moustache grisonnante.
Jean la regarde, et répond à son sourire par un sourire. On dirait un petit lac qui s’ensoleille sous le reflet du soleil qu’il regarde. Sans s’appuyer contre Marie avec la confiance qu’il témoignait à Jésus, il se serre pourtant contre elle autant qu’il le peut et tend le cou pour suivre les lignes qu’elle lit. Lors des pauses, lorsqu’on change de rouleau ou que l’on répond “Maran ata”, il la regarde et sourit.
On n’entend pas d’autre bruit que la voix de Marie et le froissement des parchemins. Ensuite, même cela s’arrête, car Marie se tait et se penche en avant en appuyant la tête contre le coffre. Elle continue intérieurement son oraison. Les autres l’imitent, chacun prenant une pose qui lui est propre.
Un grondement très puissant qui rappelle un accord d’orgues gigantesques, mais qui est aussi voix d’un vent céleste et harmonieux, écho de tous les chœurs du paradis, et qui prend appui sur toutes les voix des vents et des chants de la terre, remplit le silence de cette paisible matinée. Il se fait de plus en plus proche, devient toujours plus puissant, à tel enseigne que l’air en vibre ; la flamme de la lampe vacille, et les chaînettes qui la soutiennent et retombent en pendants ornés tintent exactement comme cela se produit quand une onde d’un bruit assourdissant remplit une pièce fermée. S’il y avait des vitres, qui sait comment elles vibreraient ? ! Mais il n’y en a pas et l’on n’entend pas ce bruit très particulier que fait le verre frappé par une vibration sonore.
Les apôtres, effrayés, lèvent la tête. Comme ce son ne cesse de se renforcer de seconde en seconde, certains, poussés par la peur, se lèvent et tentent de s’enfuir, d’autres se blottissent en se frappant la poitrine, d’autres encore se serrent contre Marie pour chercher protection auprès d’elle. Jean est le plus calme : il regarde seulement Marie et il reprend aussitôt courage en la voyant sourire avec encore plus de bonheur qu’avant.
Marie lève la tête, sourit à ce que son âme voit certainement, puis tombe à genoux, les bras ouverts. Son manteau s’ouvre et elle ressemble à un ange bleu dont les deux ailes s’étendent sur la tête de Pierre et de Jean, qui l’ont imitée et se sont agenouillés.
J’ai mis plus de temps à décrire tout ceci que l’événement à se produire. Cela s’est passé en quelques secondes.
Je vois alors la Lumière, le Feu, l’Esprit Saint entrer en faisant entendre une dernière puissante clameur ; il emplit la pièce d’un éclat insoutenable, d’une chaleur des plus ardentes et plane un instant au-dessus de la tête de Marie comme un météore éclatant de lumière, avant de se scinder, de se partager et de descendre sous forme de langues de flamme embrasser le front de chaque personne présente.
Mais la flamme qui descend sur Marie !… Longue et vibrante comme un ruban de feu, elle ne se borne pas à se poser sur son front, mais le lui enlace, le lui étreint, le lui embrasse, le lui caresse, et se pose comme un cercle d’or autour de sa tête virginale ; celle-ci est maintenant découverte car, à la vue du Feu Paraclet, Marie a levé les bras comme pour l’embrasser, en poussant un cri de joie, si bien que son manteau et son voile ont glissé et lui sont tombés de la tête puis des épaules. Elle se tient donc là, tête nue, soudain rajeunie, avec ses tresses blondes sans le moindre cheveu blanc pour y porter atteinte, rendue belle, toute belle par la couronne qui vibre de la flamme finale sur son front après l’avoir ceinte de son diadème de Reine céleste, belle aussi de par la joie qui la transfigure… Oh, il est impossible de décrire la beauté que prend le visage de Marie sous l’effet de l’étreinte de son Epoux divin !
Le Feu reste ainsi un moment puis s’estompe en laissant derrière lui un parfum qui n’a rien de terrestre. Ma vision s’évanouit en même temps.
Les Cahiers de 1944, 28 mai