En ce temps-là, Jésus descendit à Capharnaüm, ville de Galilée, et il y enseignait, le jour du sabbat. On était frappé par son enseignement car sa parole était pleine d’autorité. Or, il y avait dans la synagogue un homme possédé par l’esprit d’un démon impur, qui se mit à crier d’une voix forte : « Ah ! que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Jésus le menaça : « Silence ! Sors de cet homme. » Alors le démon projeta l’homme en plein milieu et sortit de lui sans lui faire aucun mal. Tous furent saisis d’effroi et ils se disaient entre eux : « Quelle est cette parole ? Il commande avec autorité et puissance aux esprits impurs, et ils sortent ! » Et la réputation de Jésus se propageait dans toute la région.
(…) Jésus regarde la foule, étonnée de la discussion, choquée et divisée en opinions contraires. Il cherche quelqu’un avec ses yeux de saphir, puis crie à haute voix :
« Aggée, approche-toi, je te l’ordonne ! »
Murmures dans la foule qui s’ouvre pour laisser passer un homme secoué de tremblements et soutenu par une femme.
« Connais-tu cet homme ?
– Oui, c’est Aggée, fils de Malachie, d’ici, de Capharnaüm. Il est possédé par un esprit malin qui le fait entrer dans des accès de folie furieuse et soudaine.
– Tout le monde le connaît ? »
La foule crie :
« Oui, oui.
– Quelqu’un peut-il dire qu’il m’a parlé ne serait-ce quelques minutes ? »
La foule crie :
« Non, non, il est comme hébété et ne sort jamais de chez lui, et personne ne t’y a jamais vu.
– Femme, amène-le moi. »
La femme le pousse et le traîne ; le pauvre homme tremble d’autant plus fort.
Le chef de la synagogue avertit Jésus :
« Attention ! Le démon va le tourmenter… et alors il s’excite, griffe et mord. »
La foule s’écarte en se pressant contre les murs.
Les deux hommes sont désormais en face l’un de l’autre. Un instant de résistance. On dirait que l’homme, habitué au mutisme, a du mal à parler et gémit. Puis sa voix s’articule :
« Qu’y a-t-il entre toi et nous, Jésus de Nazareth ? Pourquoi es-tu venu nous tourmenter, nous exterminer, toi, le Maître du ciel et de la terre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu. Aucun être charnel ne fut plus grand que toi parce que dans ta chair d’homme est renfermé l’Esprit du Vainqueur éternel. Tu m’as déjà vaincu dans…
– Tais-toi et sors de lui, je te l’ordonne ! »
L’homme est pris d’une étrange agitation. Il tremble par à-coups comme s’il y avait quelqu’un qui le maltraitait en le poussant et le secouant. Il hurle d’une voix inhumaine, écume, puis est plaqué au sol d’où il se relève ensuite, étonné et guéri.
« Tu as entendu ? Que réponds-tu, maintenant ? » demande Jésus à son contradicteur.
L’homme barbu et bien habillé hausse les épaules et, vaincu, s’en va sans répondre. La foule se moque de lui et applaudit Jésus.
« Silence, c’est un lieu sacré, dit Jésus, qui ordonne : Amenez-moi le jeune homme à qui j’ai promis l’aide de Dieu. » (…)
Jésus dit :
“Un des secrets pour atteindre à la sainteté est le suivant : ne jamais détourner l’esprit d’une pensée qu’il doit soutenir toute la vie, celle de Dieu. La pensée de Dieu est comme la note sur laquelle on entonne le chant de l’âme.
As-tu remarqué les artistes ? Ils bougent, vont et viennent, et ils ne semblent jamais regarder en bas de la scène. Mais en fait, ils ne quittent jamais des yeux le maître de musique qui leur donne la mesure. L’âme aussi, pour ne pas se tromper ou être distraite – ce qui la ferait se tromper – doit tenir le regard fixé sur Dieu. Parler, travailler, marcher, mais sans que l’œil mental perde jamais Dieu de vue.
Un deuxième point pour atteindre à la sainteté : ne jamais perdre sa foi dans le Seigneur. Quoi qu’il arrive, croire que cela arrive par la bonté de Dieu. S’il s’agit d’une chose pénible, même mauvaise, et donc voulue par des forces étrangères à Dieu, penser que Dieu la permet par bonté.
Les âmes qui savent voir Dieu n’importe où savent aussi changer TOUTE chose en devises éternelles. Les choses mauvaises sont des devises qui n’ont pas cours. Mais si vous savez les prendre comme il faut, elles acquièrent un cours légal et elles vous procurent le Royaume éternel.
C’est à vous de rendre bon ce qui ne l’est pas, de transformer les épreuves, les tentations, les malheurs – qui ruinent complètement les âmes déjà croulantes – en autant d’étais et de fondations pour ériger le temple qui ne meurt pas : le temple de Dieu en vous dans le présent, le temple de la béatitude dans l’avenir, dans mon Royaume.”
Les Cahiers de 1943, 22 juin