« Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel »
(Jn 6, 41-51)
En ce temps-là, les
Juifs récriminaient contre Jésus parce qu’il avait déclaré : « Moi, je suis le
pain qui est descendu du ciel. » Ils disaient : « Celui-là n’est-il pas Jésus,
fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment
peut-il dire maintenant : ‘Je suis descendu du ciel’ ? » Jésus reprit la parole
: « Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui
m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est
écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même.
Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. Certes,
personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a
vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui
croit. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne,
et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en
mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si
quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai,
c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
(...) Je vous rappelle ce qu’annoncent les prophètes sur l’incarnation du Verbe. Et je vous rappelle comment, plus pour nous israélites que pour tout autre peuple, nous croyons que Celui que nous n’osons pas nommer ne peut pas se donner une chair selon les lois humaines, qui plus est selon les lois d’une humanité déchue. Si le Très Pur, l’Incréé, s’est humilié jusqu’à se faire homme par amour pour l’homme, il ne pouvait choisir qu’un sein de Vierge plus pur que les lys pour revêtir de chair sa divinité.
Le Pain descendu du ciel au temps de Moïse a été placé dans l’arche d’or, recouverte du propitiatoire, veillée par les chérubins, derrière les voiles du Tabernacle. Et avec le Pain était la Parole de Dieu. Et il était juste qu’il en fût ainsi, parce que les dons de Dieu et les tables de sa très sainte Parole doivent être traités avec le plus grand respect. Mais alors qu’est-ce que Dieu aura préparé pour sa propre Parole et pour le Pain véritable descendu du Ciel ? Une arche plus inviolée et plus précieuse que l’arche d’or, couverte du précieux propitiatoire de sa pure volonté d’immolation, veillée par les chérubins de Dieu, voilée d’une candeur virginale, d’une parfaite humilité, d’une sublime charité et de toutes les vertus les plus saintes.
Alors ? Ne comprenez-vous pas encore que ma paternité est au Ciel et donc que c’est de là que je viens ? Oui, je suis descendu du Ciel pour accomplir le décret de mon Père, le décret de salut des hommes selon ce qui a été promis au moment même de la condamnation et répété aux patriarches et aux prophètes.
Mais cela, c’est la foi. Or la foi est donnée par Dieu à ceux qui ont une âme de bonne volonté. Aussi personne ne peut venir à moi s’il n’est pas conduit à moi par mon Père, qui le voit dans les ténèbres, mais avec un vrai désir de la lumière. (...)
« Tous les hommes, sans distinction, sont prédestinés à la grâce, puisque je suis mort pour tous.
Sont prédestinés à la gloire ceux qui restent fidèles, "au moins" à la loi naturelle du Bien. A la fin des siècles, oui, tous ceux qui auront vécu en justes obtiendront leur récompense.
Et Dieu connaît depuis toute éternité ceux qui sont destinés à la gloire dès avant leur naissance, autrement dit “prédestinés”. Mais fais attention : c’est là qu’il est nécessaire de comprendre la justice de Dieu "avec justice".
Il y a les prédestinés, c’est certain. Et Dieu les connaît avant que leur temps ne vienne. Mais ils ne le sont pas sous prétexte que Dieu, par quelque injustice manifeste, leur aurait procuré tous les moyens d’atteindre la gloire et les aurait préservés par tous les moyens des pièges du Démon, du monde et de la chair. Non, Dieu leur donne ce qu’il donne à tous. Mais eux utilisent avec justice les dons de Dieu, de sorte qu’ils conquièrent la gloire future et éternelle "de leur libre volonté".
Dieu sait qu’ils parviendront à cette gloire éternelle. Mais eux l’ignorent, et Dieu ne le leur révèle en aucune façon. Même les dons extraordinaires ne sont "pas" un signe certain de gloire : c’est un moyen plus rude que les autres pour tester l’esprit de l’homme : sa volonté, ses vertus et sa fidélité à Dieu et à sa Loi. Dieu sait. Il se réjouit d’avance de savoir que telle créature accèdera à la gloire, tout comme il souffre d’avance de savoir que telle autre arrivera volontairement à la damnation.
Mais il n’intervient pas le moins du monde pour forcer le libre arbitre d’une personne afin qu’elle parvienne là où Dieu voudrait que tous parviennent : au Ciel. Il est évident qu’une créature qui se conforme à l’aide divine accroît sa capacité à vouloir, car Dieu se donne d’autant plus que l’homme l’aime en vérité, en le manifestant par des actes et non simplement en paroles.
J’ajoute ceci : il est certain que, plus un homme vit en juste, plus Dieu se communique à lui et se manifeste. C’est là une anticipation de cette connaissance de Dieu qui fait le bonheur des saints du Ciel. Cette connaissance augmente la capacité à vouloir être parfait. Mais l’homme est encore et toujours libre de sa volonté, de sorte que si, après avoir atteint la perfection, il reniait le bien pratiqué jusque‑là et se vendait au Mal, Dieu le laisserait libre de le faire. Il n’y aurait aucun mérite s’il y avait contrainte.
En conclusion : Dieu connaît de toute éternité les futurs habitants éternels du Ciel, mais il revient à l’homme de vouloir librement parvenir au Ciel en faisant bon usage des secours surnaturels que le Père éternel distribue à chaque créature. Il en est ainsi jusqu’à son dernier souffle, quels que soient les dons extraordinaires reçus et le degré de perfection atteint.
Rappelez-vous que "nul n’est jamais vraiment arrivé avant que son chemin ne soit terminé". Pour le dire autrement : personne n’est certain d’avoir mérité la gloire avant que son temps ne soit fini et que l’immortalité n’ait commencé. »
Jamais je n’aurais cru qu’un commentaire de l’Evangile puisse me toucher autant. Je lis les méditations depuis que vous me les envoyez, avec admiration. Mais celle-là, c’est un sommet. Je vais demander que le texte de Jean 15, 9-17 soit lu à mes obsèques religieuses si c’est possible... lorsque le jour sera venu !