En ce temps-là, Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront les premiers. »
– Voilà ! Pour te suivre, nous avons tout quitté, même ce qui est le plus licite. Que nous arrivera-t-il donc ? Entrerons-nous dans ton Royaume ? demande Pierre.
– En vérité, en vérité, je vous dis que ceux qui m’auront suivi de cette façon, et qui me suivront — car, tant que l’on est sur la terre et que l’on a devant soi des jours où on peut réparer le mal commis, il est toujours temps de réparer sa paresse et les fautes perpétrées jusqu’ici — ceux qui me suivront seront avec moi dans mon Royaume. En vérité, je vous dis que, vous qui m’avez suivi dans la régénération, vous siégerez sur des trônes pour juger les tribus de la terre avec le Fils de l’homme, assis sur le trône de sa gloire. En vérité, je vous dis encore que personne n’aura, par amour de mon nom, quitté maison, champs, père, mère, frères, sœurs, époux et enfants pour répandre la Bonne Nouvelle et me continuer, sans recevoir le centuple en ce temps et la vie éternelle dans le siècle à venir.
– Mais si nous perdons tout, comment pourrons-nous multiplier nos biens par cent ? demande Judas.
– Je le répète : ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. Et Dieu donnera le centuple de joie spirituelle à ceux qui, d’hommes du monde, auront su se rendre fils de Dieu, c’est-à-dire hommes spirituels. Ils jouiront de la vraie joie, ici et au-delà de la terre. J’ajoute que ce ne sera pas le cas de tous ceux qui semblent être les premiers et qui devraient l’être, ayant reçu plus que les autres. De même, ne seront pas derniers tous ceux qui semblent l’être, quand encore ils ne sont pas considérés comme moins que derniers, n’étant pas en apparence mes disciples et n’appartenant même pas au Peuple élu. En vérité, beaucoup de premiers deviendront derniers et beaucoup de derniers, de tout à fait derniers, deviendront premiers…
“La béatitude de l’extase que j’ai éprouvée à la naissance m’a accompagnée comme l’essence d’une fleur enfermée dans le vase vivant du cœur durant toute ma vie. Indescriptible joie. Humaine et surhumaine. Parfaite.
Lorsque chaque soir qui tombait martelait dans mon cœur le douloureux ‘mémento’ : ‘Un jour de moins à attendre, un jour de plus qui rapproche du Calvaire’, et mon âme en était recouverte de douleur comme si une vague de tourment l’avait balayée – flux anticipé de cette marée qui m’engloutirait sur le Golgotha – je me penchais en esprit sur le souvenir de cette béatitude, lequel était resté vif dans mon cœur, tout comme quelqu’un se penche au-dessus d’une gorge en haute montagne pour entendre de nouveau l’écho d’un chant d’amour et voir au loin la maison de sa joie.
Cela a été ma force dans la vie. Et elle l’a été surtout à l’heure de ma mort mystique au pied de la Croix. Afin de ne pas en arriver à dire à Dieu – qui nous punissait, moi et mon doux Fils, pour les péchés du monde entier – que son châtiment était trop atroce et sa main de Justicier, trop sévère, j’ai dû fixer, à travers un voile des larmes les plus amères que jamais femme eût versées, ce souvenir lumineux, béatifique, saint, lequel s’élevait en cette heure comme une vision de réconfort de l’intérieur de mon cœur pour me dire combien Dieu m’avait aimée, s’élevait pour venir à ma rencontre sans attendre, car il était une sainte joie, que je le cherche, puisque tout ce qui est saint est imprégné d’amour et l’amour donne sa vie même aux choses qui ne semblent pas avoir la vie.
Maria, voici ce qu’il faut faire quand Dieu nous frappe.
Se souvenir des moments où Dieu nous a accordé la joie afin de pouvoir dire, même au milieu des tourments : ‘Merci, mon Dieu. Tu es bon avec moi’.
Ne pas refuser le réconfort qu’apporte le souvenir d’un don que Dieu nous a fait dans le passé, souvenir qui surgit pour nous consoler à l’heure où la douleur nous fait plier, comme des tiges secouées par l’ouragan, vers le désespoir, afin que nous ne désespérions pas de la bonté de Dieu.
Faire en sorte que nos joies nous viennent de Dieu, c’est-à-dire ne pas nous procurer des joies humaines, voulues par nous et aisément contraires, comme tout ce qui est le fruit d’actions étrangères à Dieu, à sa Loi divine et à sa Volonté, mais n’attendre la joie que de Dieu.
En garder le souvenir même une fois que la joie est passée, car le souvenir qui pousse à faire le bien et à bénir Dieu n’est pas un souvenir condamnable, mais au contraire, conseillé et béni.
Baigner de la lumière de cette époque les ténèbres du présent pour les rendre si lumineuses que nous puissions toujours y voir le saint visage de Dieu, même dans la nuit la plus obscure.
Tempérer l’amertume du calice par la douceur dont on a joui afin de pouvoir en supporter le goût et arriver à le boire jusqu’à la dernière goutte.
Sentir, puisqu’on l’a conservée comme le plus précieux souvenir, la sensation de la caresse de Dieu alors que les épines nous serrent le front.
Voilà les sept béatitudes qui s’opposent aux sept épées. Je te les donne dans ma leçon de Noël (mets-en la date) et, avec toi, je les donne à tous mes bien-aimés.