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FR-Evangile-Illustre-2015-04-01-v2 Logo Évangile
L'évangile du jour
Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Mt 26, 14 – 27, 66)

Les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants : X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.

    L. En ce temps-là,     l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres     et leur dit : D. « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? »

L. Ils lui remirent trente pièces d’argent.     Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.     Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : D. « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? »     L. Il leur dit : X.  « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : ‘Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.’ »     L. Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.

    Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze.     Pendant le repas, il déclara : X.  « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. »     L. Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : D. « Serait-ce moi, Seigneur ? »     L. Prenant la parole, il dit : X.  « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer.     Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! »     L. Judas, celui qui le livrait, prit la parole : D. « Rabbi, serait-ce moi ? » L. Jésus lui répond : X.  « C’est toi-même qui l’as dit ! »

    L. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : X.  « Prenez, mangez : ceci est mon corps. »     L. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : X.  « Buvez-en tous,     car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés.     Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »

    L. Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.     Alors Jésus leur dit : X.  « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées.     Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »     L. Prenant la parole, Pierre lui dit : D. « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. »     L. Jésus lui répondit : X.  « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »     L. Pierre lui dit : D. « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » L. Et tous les disciples dirent de même.

    Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : X.  « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. »     L. Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse.     Il leur dit alors : X.  « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi. »     L. Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : X.  « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. »     L. Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : X.  « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ?     Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »     L. De nouveau, il s’éloigna et pria, pour la deuxième fois ; il disait : X.  « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! »     L. Revenu près des disciples, de nouveau il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil.     Les laissant, de nouveau il s’éloigna et pria pour la troisième fois, en répétant les mêmes paroles.     Alors il revient vers les disciples et leur dit : X.  « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs.     Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »

    L. Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, et avec lui une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple.     Celui qui le livrait leur avait donné un signe : D. « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le. »     L. Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : D. « Salut, Rabbi ! » L. Et il l’embrassa.     Jésus lui dit : X.  « Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » L. Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.     L’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille.     Alors Jésus lui dit : X.  « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée.     Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges.     Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? »     L. À ce moment-là, Jésus dit aux foules : X.  « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, dans le Temple, j’étais assis en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. »     L. Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent.

    Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens.     Quant à Pierre, il le suivait à distance, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait.     Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort.     Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux,     qui déclarèrent : A. « Celui-là a dit : ‘Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.’ »     L. Alors le grand prêtre se leva et lui dit : A. « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? »     L. Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : A. « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu. »     L. Jésus lui répond : X.  « C’est toi-même qui l’as dit ! En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez lFils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. »     L. Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : A. « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème !     Quel est votre avis ? » L. Ils répondirent : F. « Il mérite la mort. »     L. Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups     en disant : F. « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »

    L. Cependant Pierre était assis dehors dans la cour. Une jeune servante s’approcha de lui et lui dit : A. « Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen ! »     L. Mais il le nia devant tout le monde et dit : D. « Je ne sais pas de quoi tu parles. »    L. Une autre servante le vit sortir en direction du portail et elle dit à ceux qui étaient là : A. « Celui-ci était avec Jésus, le Nazaréen. »     L. De nouveau, Pierre le nia en faisant ce serment : D. « Je ne connais pas cet homme. »     L. Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : A. « Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit. »     L. Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : D. « Je ne connais pas cet homme. » L. Et aussitôt un coq chanta.     Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement.

 Le matin venu, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mettre à mort.     Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate, le gouverneur.

    Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens.     Il leur dit : D. « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » L. Ils répliquèrent : A. « Que nous importe ? Cela te regarde ! »     L. Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre.     Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : A. « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. »     Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers.     Voilà pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang.     Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : Ils ramassèrent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix, le prix fixé par les fils d’Israël,     et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné.    

    L. On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus déclara : X.  « C’est toi-même qui le dis. »     L. Mais, tandis que les grands prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien.     Alors Pilate lui dit : A. « Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ? »     L. Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné.     Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait.     Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas.     Les foules s’étant donc rassemblées, Pilate leur dit : A. « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus, appelé le Christ ? »     L. Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on avait livré Jésus.     Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : A. « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. »     L. Les grands prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus.     Le gouverneur reprit : A. « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » L. Ils répondirent : F. « Barabbas ! »     L. Pilate leur dit : A. « Que ferai-je donc de Jésus appelé le Christ ? » L. Ils répondirent tous : F. « Qu’il soit crucifié ! »     L. Pilate demanda : A. « Quel mal a-t-il donc fait ? » L. Ils criaient encore plus fort : F. « Qu’il soit crucifié ! »     L. Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : A. « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! »     L. Tout le peuple répondit : F. « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! »     L. Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié.     Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde.     Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge.     Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : F. « Salut, roi des Juifs ! »     L. Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête.     Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.

    En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus.     Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire),     ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.     Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ;     et ils restaient là, assis, à le garder.     Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. »     Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.

    Les passants l’injuriaient en hochant la tête ;     ils disaient : F. « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »     L. De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant :     A. « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !     Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : ‘Je suis Fils de Dieu.’ »     L. Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.

    À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure.     Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : X.  « Éli, Éli, lema sabactani ? », L. ce qui veut dire : X.  « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »     L. L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : F. « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! »     L. Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire.     Les autres disaient : F. « Attends ! Nous verrons bien si Élie vient le sauver. »     L. Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit

(Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant)

    Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent.     Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent,     et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens.     À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : A. « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »

    L. Il y avait là de nombreuses femmes qui observaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir.     Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.

    Comme il se faisait tard, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu, lui aussi, disciple de Jésus.     Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna qu’on le lui remette.     Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé,     et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.     Or Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre.

    Le lendemain, après le jour de la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate,     en disant : A. « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : ‘Trois jours après, je ressusciterai.’ Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité d’entre les morts.’ Cette dernière imposture serait pire que la première. »     L. Pilate leur déclara : A. « Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez ! »

    L. Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du sépulcre en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.


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Dans les visions de Maria Valtorta
la-trahison-de-judas
Date
30 mars 30
Lieu
Jérusalem
Livre
Tome 9 - ch 588.1
Préparation à la Passion

       Judas arrive de nuit à la maison de campagne de Caïphe. Mais la lune, complice de l’assassin, lui éclaire la route. Il doit être bien sûr de trouver là, dans cette maison hors les murs, les personnes qu’il cherchait, car je pense qu’autrement il aurait essayé d’entrer en ville et serait allé au Temple. Au contraire, il monte le chemin à travers les oliviers de la colline avec plus d’assurance que la dernière fois. C’est qu’il fait nuit, et les ombres comme l’heure le protègent de toute mauvaise surprise. Les routes de la campagne sont désertes désormais, après avoir été parcourues toute la journée par les foules de pèlerins qui se rendent à Jérusalem pour la Pâque. Les pauvres lépreux eux-mêmes sont tapis dans leurs cavernes et dorment de leur sommeil de malheureux, oublieux pour quelques heures de leur sort.

       Voilà Judas à la porte de la maison, toute blanche au clair de lune. Il frappe : trois coups, un coup, trois coups, deux coups… Il connaît à merveille le signal convenu !

       Ce doit être vraiment un signal sûr, car la porte s’entrouvre sans que le portier jette au préalable un coup d’œil par la petite ouverture pratiquée dans la porte.

       Judas se glisse à l’intérieur et interroge le portier qui lui rend honneur :

       « L’assemblée est-elle réunie ?

       – Oui, Judas. Au complet, pourrais-je dire.

       – Conduis-moi. Je dois parler de choses importantes. Dépêche-toi ! »

       L’homme referme la porte et tire tous les verrous, puis il le précède dans le couloir mi-obscur, et s’arrête devant une lourde porte à laquelle il frappe. Le brouhaha cesse dans la pièce, remplacé par le grincement de la serrure et le crissement de la porte, qui s’ouvre en projetant un cône de lumière vive dans le couloir sombre.

       « Toi ? Entre ! » dit l’homme qui a ouvert la porte, et que je ne connais pas.

       Il y a un mouvement de stupeur, ou du moins d’agitation, quand ils voient entrer Judas. Mais ils le saluent en chœur :

       « Paix à toi, Judas, fils de Simon.

       – Paix à vous, membres du saint Sanhédrin, répond Judas.

       – Avance. Que veux-tu ? lui demandent-ils.

       – Vous parler… vous parler du Christ. Il n’est plus possible de continuer ainsi. Je ne peux plus vous aider, si vous ne parvenez pas à prendre des décisions extrêmes. L’homme a des soupçons, désormais.

       – Tu t’es fait découvrir, sot que tu es ? interrompent-ils.

       – Non. C’est vous qui êtes sots, vous qui, par une hâte stupide, avez fait de fausses manœuvres. Vous saviez bien que j’allais vous servir ! Mais vous ne m’avez pas fait confiance.

       – Tu as la mémoire courte, Judas ! Ne te rappelles-tu pas comment tu nous as quittés la dernière fois ? Qui pouvait supposer que tu nous étais fidèle, à nous, quand tu as proclamé de cette façon que tu ne pouvais pas trahir Jésus ? lance Elchias, plus ironique, plus vipère que jamais.

       – Vous vous imaginez qu’il est aisé de tromper un ami, le seul qui m’aime vraiment, l’Innocent ? Vous croyez qu’il est facile d’en venir au crime ? »

       Judas est déjà énervé.

       Ils cherchent à le calmer, ils le flattent, ils le séduisent, ou du moins ils essaient de le faire, en lui démontrant que, loin d’être un crime, son geste est “ une œuvre sainte envers sa patrie, à laquelle il évite des représailles de ceux qui la dominent, et qui déjà donnent des signes de mécontentement devant ces continuelles agitations et ces divisions de partis et de foules dans une province romaine. C’est aussi une bonne action envers l’humanité, s’il est vraiment convaincu de la nature divine du Messie et de sa mission spirituelle ”.

       – Si ce qu’il prétend est vrai — loin de nous de le croire —, n’es-tu pas le collaborateur de la Rédemption ? Ton nom sera associé au sien à travers les siècles, notre patrie te comptera parmi ses héros et t’honorera des charges les plus hautes. Un siège est tout prêt pour toi parmi nous. Tu t’élèveras, Judas. Tu donneras des lois à Israël. Nous n’oublierons jamais ce que tu as fait pour le bien du Temple sacré, du saint Sacerdoce, pour la défense de la Loi, pour le bien de toute la nation ! Aide-nous, et ensuite, nous te le jurons, je te le jure au nom de mon puissant père et de Caïphe qui porte l’éphod, tu seras le plus grand homme d’Israël, plus que les tétrarques, plus que mon père lui-même, qui est désormais un pontife déposé. Tu seras servi comme un roi et écouté comme un prophète. Et, dans l’hypothèse où Jésus de Nazareth ne serait qu’un faux Messie, même si en réalité il n’était pas passible de mort parce que ses actes ne sont pas ceux d’un criminel mais d’un fou, nous te rappelons les paroles inspirées du pontife Caïphe — tu sais que celui qui porte l’éphod et le rational parle sous l’effet de l’inspiration divine et prophétise ce qui est bien et ce qu’il faut faire pour l’atteindre. Or Caïphe, t’en souviens-tu ? a dit : “ Mieux vaut qu’un homme meure pour le peuple et que toute la nation ne périsse pas. ” C’était une parole de prophétie.

       – En vérité, il était prophète. Le Très-Haut a parlé par la bouche du grand-prêtre. Qu’il soit obéi ! » disent en chœur, déjà théâtraux et semblables à des automates, ces hideuses marionnettes que sont les membres du grand conseil du Sanhédrin.

       Ainsi manipulé, Judas est séduit… mais un reste de bon sens, sinon de bonté, subsiste encore en lui et le retient de prononcer les paroles fatales (...)

       Quand enfin Judas prend la parole, j’ai du mal à reconnaître sa voix, tant elle est altérée :

       « Oui, je vais le faire. Je dois le faire. Et je le ferai. Déjà, la dernière partie des malédictions de Moïse me concerne, et il me faut en sortir, car je n’ai que trop tardé. Et je deviens fou, je ne connais ni trêve ni repos, j’ai le cœur effrayé, les yeux égarés, et l’âme brisée de tristesse. Tremblant d’être découvert et foudroyé par Jésus en raison de mon double jeu — car j’ignore à quel point il connaît ma pensée —, je vois ma vie suspendue à un fil. Matin et soir, je demande à en finir avec cette heure, à cause de l’épouvante qui me serre le cœur. A cause de l’horreur de ce que je dois accomplir. Oh ! hâtez cette heure ! Tirez-moi de l’angoisse qui m’étreint ! Que tout s’accomplisse. Maintenant ! Et que je sois délivré ! Allons ! »

       La voix de Judas s’est affermie au fur et à mesure, et désormais il parle fort. Ses gestes, d’abord automatiques et incertains comme ceux d’un somnambule, sont devenus libres, volontaires. Il se redresse de toute sa taille, en prenant une beauté satanique, et il crie :

       « Que tombent les liens d’une folle terreur ! Je suis délivré d’une sujétion effrayante. Christ ! Je ne te crains plus et je te livre à tes ennemis ! Allons ! »

       C’est un cri de démon victorieux. A ces mots, il se dirige hardiment vers la porte.


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Le tourment partagé de la Mère et du Fils sur le Golgotha

Marie dit :

“Lorsque, dans la colère du Vendredi Saint, je rencontrai mon Fils à un carrefour qui menait au Golgotha, aucun mot ne sortit de nos lèvres, sauf : ‘Maman !’, ‘Mon Fils !’.

Autour ne nous se tenaient le Blasphème, la Férocité, la Raillerie et la Curiosité. Devant ces quatre Furies, inutile de mettre à nu son cœur et ses battements les plus saints. Elles se seraient précipitées sur lui pour le blesser encore davantage, car l’humain touche à la perfection dans le mal et il est capable, non seulement de crimes envers les corps, mais aussi envers la pensée et les sentiments de son semblable.

Nous nous regardâmes. Jésus, qui avait déjà parlé aux femmes com­patissantes, les incitant à pleurer sur les péchés du monde, me regarda fixement à travers le voile de sueur, de larmes, de poussière et de sang, lesquels formaient une croûte sur ses paupières.

Il savait que je priais pour le monde et que j’aurais voulu faire plier le Ciel pour qu’il vienne à son secours, pour alléger, non son supplice, puisqu’il devait s’accomplir par décret éternel, mais sa durée. J’aurais voulu le faire plier au prix du martyre de toute ma vie. Mais je ne le pouvais pas. L’heure de la Justice était venue.

Il savait que je l’aimais comme jamais. Et je savais qu’il m’aimait et que, plus que le voile de la charitable Véronique et que tout autre secours, le baiser de sa Maman l’aurait soulagé. Mais cette torture aussi était nécessaire pour racheter les fautes du désamour.

Nos regards se croisèrent, se nouèrent, se séparèrent en nous déchirant le cœur. Et puis la cohue entraîna la Victime et la poussa vers son autel et la cacha à l’autre victime qui était déjà sur l’autel du sacrifice et qui était moi, Mère douloureuse.

Quand je vous vois si durs, si obstinés dans le péché, et je pense que notre double torture infinie n’a pas servi à vous rendre bons, je me demande quel autre tourment plus grand encore il aurait fallu pour neutraliser le venin de Satan en vous, et je ne le trouve pas, car il n’y a pas de plus grand tourment que le nôtre.

Du moment de mon Immaculée Conception, j’ai tenu la tête de Satan sous mon talon de sans tache. Mais, n’ayant pu corrompre mon corps et mon âme de son venin, il l’a craché, tel un acide infernal, sur mon cœur de Mère et, si celui-ci est immaculé par la grâce de Dieu, il est on ne peut plus affligé par l’œuvre de Satan, qui l’a transpercé à mort, par l’entremise des fils de l’homme, tueurs de mon Fils de l’heure de Gethsémani à la fin du monde.

La Mère te dit, créature qui m’es chère, que dans la béatitude du Ciel viennent me blesser, telles des flèches, les offenses que vous faites à mon Fils, et chacune rouvre la blessure du Vendredi Saint. Les blessures que mon cœur subit pour vous sont plus nombreuses que les étoiles du firmament de Dieu. Et vous n’avez pas pitié de la Mère qui vous a donné sa vie.

Je reviendrai te parler aujourd’hui car je veux te garder près de moi toute la journée. Aujourd’hui, je suis plus que jamais Reine au Ciel et j’amène ton âme avec moi.

Tu es une petite fille qui ne sait pas grand-chose de sa Mère. Mais quand tu sauras beaucoup de choses et que tu me connaîtras, non comme une étoile lointaine dont on ne voit qu’un rayon et on ne connaît que le nom, non seulement comme une entité idéale et idéalisée, mais comme une réalité vivante et aimante, avec mon cœur de Mère de Dieu et de Maman de Jésus, de Femme qui comprend les souf­frances de la femme, car les plus atroces ne lui furent pas épargnées et elle n’a qu’à s’en souvenir pour comprendre celles des au­tres, alors tu m’aimeras comme tu aimes mon Fils, c’est-à-dire de tout ton être.”

Les Cahiers de 1943, le 8 décembre