Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta
quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les
anges le servaient. Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée
proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le
règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
(…) Il s’approche de Jésus :
« Tu es seul ? »
Jésus le regarde sans répondre.
« Comment es-tu arrivé ici ? Tu t’es perdu ? »
Jésus le regarde de nouveau et se tait.
« Si j’avais de l’eau dans ma gourde, je t’en donnerais. Mais je n’en ai pas moi-même. Mon cheval est mort et je me dirige à pied vers le gué. Là je boirai et je trouverai quelqu’un qui me donne un pain. Je connais la route. Viens avec moi, je te conduirai. »
Jésus ne lève même pas les yeux.
« Tu ne réponds pas ? Sais-tu que si tu restes ici tu vas mourir ? Déjà le vent se lève. Il va y avoir la tempête. Viens. »
Jésus serre les mains en une prière muette.
« Ah ! C’est donc bien toi ? Depuis le temps que je te cherche ! Et maintenant, cela fait si longtemps que je t’observe. Depuis le moment où tu as été baptisé. Tu appelles l’Eternel ? Il est bien loin ! Maintenant tu es sur terre et au milieu des hommes. Or chez les hommes, c’est moi qui suis roi. Pourtant, tu me fais pitié et je veux t’aider parce que tu es bon et que tu es venu te sacrifier pour rien. Les hommes te haïront à cause de ta bonté. Ils ne comprennent qu’or, mangeaille et jouissance. Sacrifice, souffrance, obéissance sont pour eux des paroles mortes, plus mortes que cette terre-ci et ses alentours. Ils sont plus arides encore que cette poussière. Il n’est que le serpent pour se cacher ici en attendant de mordre et aussi le chacal pour te mettre en pièces. Allons, viens. Ils ne méritent pas que l’on souffre pour eux. Je les connais mieux que toi. »
Satan s’est assis en face de Jésus. Il le fouille de son regard terrible et sourit de sa bouche de serpent. Jésus se tait toujours et prie mentalement.
« Tu te défies de moi. Tu as tort. Je suis la sagesse de la terre. Je puis te servir de maître pour t’aider à triompher. Vois : l’important, c’est de triompher. Puis, une fois qu’on s’est imposé au monde et qu’on l’a séduit, on le mène où l’on veut. Mais il faut d’abord être comme cela leur plaît, comme eux, les séduire en leur faisant croire que nous les admirons et que nous suivons leurs pensées (…)