En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
(…) Ils sont réveillés par une clarté si vive qu’elle fait s’évanouir celle du soleil ; elle se propage et pénètre jusque sous la verdure des buissons et des arbres sous lesquels ils se sont installés.
Ils ouvrent des yeux étonnés et voient Jésus transfiguré. Il est maintenant tel que je le vois dans les visions du Paradis, naturellement sans les plaies ni l’étendard de la Croix. Mais la majesté du visage et du corps est pareille, pareille en est la clarté et pareil le vêtement qui est passé d’un rouge foncé à un tissu immatériel de diamant et de perles qui est son vêtement au Ciel. Son visage est un soleil qui émet une lumière sidérale très intense, et ses yeux de saphir y rayonnent. Il paraît encore plus grand, comme si sa gloire avait augmenté sa taille. Je ne saurais dire si la clarté, qui rend phosphorescent même le plateau, provient tout entière de lui ou bien si à sa clarté propre se mélange celle qu’a concentrée sur son Seigneur toute la lumière qui existe dans l’univers et dans les Cieux. Quoi qu’il en soit, c’est un prodige indescriptible.
Jésus est maintenant debout, je dirais même qu’il est au-dessus de la terre, car entre lui et la verdure du pré, il y a une sorte de vapeur lumineuse, un espace fait uniquement d’une lumière sur laquelle il semble se dresser. Mais elle est si vive que je pourrais me tromper et l’impossibilité de voir le vert de l’herbe sous les pieds de Jésus pourrait venir de cette intense lumière qui vibre et produit des bouffées, comme on le voit parfois dans les incendies. Des bouffées, ici, d’une couleur blanche incandescente. Jésus reste le visage levé vers le ciel et il sourit à une vision qui le transporte.
Les apôtres en ont presque peur, et ils l’appellent, car ils ont l’impression que ce n’est plus leur Maître, tant il est transfiguré.
« Maître ! Maître ! » appellent-ils doucement, mais d’une voix angoissée.
Lui n’entend pas.
« Il est en extase » dit Pierre tout tremblant. « Que peut-il bien voir ? »
Les trois hommes se sont levés. Ils voudraient s’approcher de Jésus, mais ne l’osent pas.
La lumière s’avive sous l’effet de deux flammes qui descendent du ciel et se placent aux côtés de Jésus. Quand elles sont arrêtées sur le plateau, leur voile s’ouvre et il en sort deux personnages majestueux et lumineux. L’un, le plus âgé, a un regard perçant et sévère et une longue barbe séparée en deux. De son front partent des cornes de lumière qui m’indiquent que c’est Moïse. L’autre est plus jeune, maigre, barbu et poilu, à peu près comme Jean-Baptiste à qui je trouve qu’il ressemble par la taille, la maigreur, la conformation et la sévérité. Alors que la lumière de Moïse est d’une blancheur éclatante comme celle de Jésus, surtout pour les rayons du front, celle qui émane d’Elie ressemble à la flamme vive du soleil.
Les deux prophètes prennent une attitude respectueuse devant leur Dieu incarné et, bien que Jésus leur parle familièrement, ils n’abandonnent pas leur vénération. Je ne comprends pas un mot de ce qu’ils disent.
Les trois apôtres tombent à genoux, tremblants, le visage dans les mains. Ils voudraient regarder, mais ils ont peur. Finalement Pierre parle :
« Maître, Maître ! Ecoute-moi. »
Jésus tourne les yeux en souriant vers son Pierre qui s’enhardit :
« C’est beau d’être ici avec toi, Moïse et Elie… Si tu veux, faisons trois tentes, pour toi, pour Moïse et pour Elie, et nous nous tiendrons ici pour vous servir… »
Jésus le regarde encore et son sourire augmente. Il pose aussi sur Jacques et Jean, un regard qui les embrasse avec amour. Moïse aussi et Elie contemplent les trois hommes et leurs yeux étincellent. Ce doit être comme des rayons qui pénètrent les cœurs.
Les apôtres n’osent rien dire de plus. Effrayés, ils se taisent. Ils semblent un peu ivres et comme stupéfaits. Mais quand un voile qui n’est pas un nuage ni du brouillard, qui n’est pas un rayon, enveloppe et sépare le Seigneur et ses prophètes “ apparus dans la gloire ” derrière un écran encore plus brillant que celui qui les entourait déjà et les cache à la vue des trois apôtres, une Voix puissante, harmonieuse vibre et remplit tout l’espace, et les trois hommes tombent le visage contre l’herbe.
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance. Ecoutez-le. »