En ce temps-là, entré dans le Temple, Jésus se mit à en expulser les vendeurs. Il leur déclarait : « Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits. » Et il était chaque jour dans le Temple pour enseigner. Les grands prêtres et les scribes, ainsi que les notables, cherchaient à le faire mourir, mais ils ne trouvaient pas ce qu’ils pourraient faire ; en effet, le peuple tout entier, suspendu à ses lèvres, l’écoutait.
(…) Les voilà aux portes de l’enceinte du Temple. Jésus descend de l’ânon, qu’un homme de Bethphagé prend sous sa garde.
Il faut remarquer que Jésus ne s’est pas arrêté à la première porte du Temple, mais qu’il a suivi l’enceinte, jusqu’au moment où il est arrivé du côté nord, près de l’Antonia. C’est là qu’il descend et entre dans le Temple, comme pour bien montrer au pouvoir dominant qu’il ne se cache pas, et se sent innocent dans toute sa conduite.
La première cour du Temple présente le chahut habituel des changeurs et des vendeurs de colombes, passereaux et agneaux… à cette seule différence que tout le monde les a délaissés pour venir voir Jésus.
Celui-ci entre, solennel dans son vêtement de pourpre, et il tourne les yeux vers ce marché, puis vers un groupe de pharisiens et de scribes qui l’observent de dessous un portique.
Son regard étincelle d’indignation. A l’improviste, il bondit au milieu de la cour. Il semble voler, comme une flamme, car son vêtement flamboie sous le soleil qui inonde la cour. Et il tonne d’une voix puissante :
« Hors de la maison de mon Père ! Le Temple n’est pas un lieu d’usure et de marché. Il est écrit : “ Ma maison sera appelée maison de prière. ” Pourquoi donc avez-vous fait une caverne de voleurs de cette maison où est invoqué le nom du Seigneur ? Hors d’ici ! Purifiez ma maison, pour éviter que, au lieu de me servir de cordes, je vous frappe des foudres de la colère céleste. Sortez d’ici ! Hors d’ici les voleurs, les fraudeurs, les impudiques, les homicides, les sacrilèges, les tenants de la pire idolâtrie : celle de l’amour-propre orgueilleux, les corrupteurs et les menteurs. Dehors ! Dehors ! Sinon, le Très-Haut balaiera pour toujours ce lieu et exercera sa vengeance sur tout un peuple. »
Il ne réitère pas les coups de fouet de l’autre fois mais, comme les marchands et les changeurs tardent à obéir, il va au comptoir le plus proche et le renverse en répandant sur le sol balances et pièces de monnaie.
Les vendeurs et les changeurs se hâtent de suivre l’ordre de Jésus, après avoir vu ce premier exemple. Jésus crie derrière eux :
« Combien de fois devrai-je vous dire que cet endroit ne doit pas être un lieu de souillure, mais de prière ? »
Et il regarde les hommes du Temple qui, obéissant aux ordres du Pontife, ne font pas le moindre geste de représailles. (…)
Une sonnerie argentine de clochettes, et la porte tourne sur ses gonds. On dirait le timbre d’une cithare pendant que la porte pivote sur ses sphères de bronze. L’intérieur du Temple apparaît, avec ses lampes tout au fond. Un cortège s’avance vers la porte, venant de l’intérieur. C’est un cortège majestueux, accompagné en fanfare de trompettes d’argent, de nuages d’encens et de lumières.
Le voilà sur le seuil de la porte. Celui qui doit être le grand-prêtre se tient à l’avant. C’est un vieillard solennel, vêtu de lin très fin ; sur ce premier vêtement, il porte une tunique plus courte, elle aussi en lin, et sur cette dernière une espèce de chasuble, quelque chose d’intermédiaire entre la dalmatique et l’habit des diacres, multicolore : pourpre et or, violet et blanc y alternent et brillent au soleil comme des joyaux ; sur l’ensemble, deux vrais bijoux brillent plus vivement encore à la hauteur des épaules. Ce sont peut-être des boucles portant un chaton précieux. Sur la poitrine, une large plaque toute étincelante de pierres, soutenue par une chaîne en or. Des pendentifs et d’autres ornements brillent en bas de sa tunique courte, et de l’or luit sur son front au haut d’une coiffure qui me rappelle celle des prêtres orthodoxes, leur mitre étant bombée au lieu d’être pointue comme celle des catholiques.
Ce personnage solennel s’avance, seul, jusqu’au début de l’escalier, sous la lumière dorée du soleil qui le rend encore plus splendide. Les autres attendent, rangés en cercle en dehors de la porte, sous le portique ombragé. A gauche se tient un groupe de jeunes filles en vêtements blancs accompagnées de la prophétesse Anne et d’autres personnes âgées, certainement des maîtresses.
Le grand-prêtre regarde la petite fille et sourit. Elle doit lui paraître bien petite au pied de cet escalier digne d’un temple égyptien ! Il lève les bras vers le ciel, en prière. Tous baissent la tête, comme anéantis devant la majesté sacerdotale en communion avec l’éternelle Majesté.
Puis il fait signe à Marie. Celle-ci se sépare de son père et de sa mère et monte, comme fascinée. Elle sourit. Elle sourit à l’ombre du Temple, là où descend le Voile précieux… Elle arrive en haut des marches, aux pieds du grand-prêtre qui lui impose les mains. La victime est agréée. Quelle hostie plus pure le Temple avait-il jamais vue ?
Il se retourne alors et pose la main sur l’épaule de l’Agnelle immaculée comme pour la mener à l’autel, et la conduit vers la porte du Temple. Avant de la faire entrer, il l’interroge :
« Marie, fille de David, est-ce là ton vœu ? »
Un “ oui ” cristallin lui répond, et il s’écrie :
« Dans ce cas, entre. Marche en ma présence et sois parfaite. »
Marie entre alors, et l’ombre l’engloutit. Le groupe des vierges et des maîtresses, enfin celui des lévites, la dérobent toujours plus aux regards, la séparent… On ne la voit plus…
Avec un son harmonieux, la porte tourne sur ses gonds. Un entrebâillement toujours plus étroit permet d’apercevoir le cortège qui se dirige vers le Saint. Ce n’est maintenant plus qu’une fente, puis plus rien, la porte est close.
Au dernier accord des gonds sonores répond le sanglot des deux vieillards et un même cri :
« Marie ! Ma fille ! »
Puis deux gémissements qui s’entrecroisent : « Anne ! », « Joachim ! », pour conclure :
« Rendons gloire au Seigneur qui la reçoit dans sa maison et la conduit sur ses voies. »
Tout s’achève comme cela.
L’Évangile tel qu'il m'a été révélé, ch 8.6