« Il y aura de la joie dans le ciel »
(Lc 15, 1-10)
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !” Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !” Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »
(…) Jésus s’inspire des troupeaux qui passent. Il dit :
« Votre Père est comme un berger attentif. Que fait le bon pasteur ? Il cherche, pour ses brebis, d’excellents pâturages, où il n’y a pas de ciguë ni de plantes dangereuses, mais des bons trèfles, des herbes odorantes et des chicorées amères mais bonnes pour la santé. Il cherche une place où l’on trouve, en plus de la nourriture, de la fraîcheur, un ruisseau aux eaux limpides, des arbres qui donnent de l’ombre, où il n’y a pas d’aspics au milieu de la verdure. Il ne se soucie pas de trouver des pâturages plus gras parce qu’il sait qu’ils cachent facilement des couleuvres aux aguets et des herbes nuisibles : il donne la préférence aux pâturages de montagne où la rosée rend l’herbe pure et fraîche, mais que le soleil débarrasse des reptiles, là où l’on trouve un bon air que remue le vent et qui n’est pas lourd et malsain comme celui de la plaine. Le bon pasteur observe une par une ses brebis. Il les soigne si elles sont malades, les panse si elles sont blessées. Il élève la voix contre celle qui se rendrait malade par gloutonnerie, et à celle qui prendrait du mal à rester dans un coin trop humide ou trop au soleil, il dit d’aller dans un meilleur endroit. Si l’une ne veut pas manger, il lui cherche des herbes acidulées et aromatiques capables de réveiller son appétit et les lui présente de sa main en lui parlant comme à une personne amie.
C’est ainsi que se comporte le bon Père qui est aux Cieux avec ses enfants qui errent sur la terre. Son amour est la houlette qui les rassemble, sa voix leur sert de guide, ses pâturages c’est sa Loi, son bercail le Ciel.
(…) Mais voilà qu’une brebis le quitte. Comme il l’aimait ! Elle était jeune, pure, candide comme une nuée légère dans un ciel d’avril. Le berger la regardait avec beaucoup d’amour en pensant à tout le bien qu’il pouvait lui faire et à tout l’amour qu’il pourrait en recevoir. Or voilà qu’elle l’abandonne.
Le long du chemin qui borde le pâturage, un tentateur est passé. Il ne porte pas de casaque austère, mais un habit aux mille couleurs. Il ne porte pas la ceinture de peau avec la hache et le couteau suspendus, mais une ceinture d’or d’où pendent des sonnailles au son argentin, mélodieux comme la voix du rossignol, ainsi que des ampoules d’essences enivrantes… Il n’a pas le bourdon avec lequel le bon pasteur rassemble et défend les brebis, et si le bourdon ne suffit pas, il est prêt à les défendre avec sa hache ou son couteau, et même au péril de sa vie. Mais ce tentateur qui passe tient un encensoir tout brillant de pierres précieuses d’où s’élève une fumée qui est à la fois puanteur et parfum, qui étourdit comme éblouissent les facettes des bijoux, – oh ! Combien faux – ! Il marche en chantant et laisse tomber des poignées d’un sel qui brille sur le chemin obscur…
Quatre-vingt-dix-neuf brebis le regardent sans bouger.
La centième, la plus jeune et la plus chère, fait un bond et disparaît derrière le tentateur. Le berger a beau l’appeler, elle ne revient pas. Elle court plus vite que le vent rejoindre celui qui est passé et, pour soutenir ses forces dans sa course, elle goûte ce sel qui pénètre en elle et la brûle d’un délire étrange qui la pousse à chercher les eaux noires et vertes dans l’obscurité des forêts. Et, à la suite du tentateur, elle s’enfonce dans les forêts, y pénètre, monte et descend… et elle tombe, une, deux, trois fois. Et une, deux, trois fois, elle sent des reptiles visqueux lui étreindre le cou ; poussée par la soif, elle boit des eaux souillées et, par faim, elle mord des herbes qui brillent d’une bave dégoûtante.
(…) Que fait pendant ce temps le bon pasteur ? Il enferme en lieu sûr les quatre-vingt-dix-neuf brebis fidèles, puis se met en route, et ne s’arrête pas jusqu’à ce qu’il trouve des traces de la brebis perdue. Puisqu’elle ne revient pas à lui, qui confie au vent ses appels, il va vers elle. Il l’aperçoit de loin, enivrée et enlacée par les reptiles, tellement ivre qu’elle n’éprouve aucune nostalgie pour le visage qui l’aime, et elle se moque de lui. Et il la revoit, coupable d’être entrée comme une voleuse dans la demeure d’autrui, tellement coupable qu’elle n’ose plus le regarder… Pourtant, le pasteur ne se lasse pas… et il marche. Il la cherche sans relâche, la suit, la harcèle. Il pleure sur les traces de l’égarée : lambeaux de toison (lambeaux d’âme) ; traces de sang (délits de toutes sortes) ; ordures (témoignages de sa luxure). Il marche et la rejoint (…)
Les œuvres de miséricorde physique (3/9) - Donner à manger aux affamés
[Jésus dit : ]
« C’est un devoir de reconnaissance et d’amour, et un devoir d’imitation. Les enfants sont reconnaissants à leur père du pain qu’il leur procure et, devenus des adultes, ils l’imitent en procurant du pain à leurs enfants ; plus tard, quand l’âge rend leur père incapable de travailler, ils lui procurent de quoi manger par leur propre travail, en guise de restitution affectueuse et juste des bienfaits qu’ils ont reçus. Le quatrième commandement le dit : “ Honore ton père et ta mère. ” C’est aussi honorer leurs cheveux blancs de ne pas les réduire à quémander leur pain à d’autres.
Mais, avant le quatrième commandement, il y a le premier : “ Aime Dieu de tout ton être ” et le second : “ Aime ton prochain comme toi-même. ” Aimer Dieu pour lui-même et l’aimer dans le prochain, voilà la perfection. On l’aime en procurant du pain à ceux qui ont faim en souvenir des nombreuses fois où c’est lui qui a rassasié l’homme par des actes miraculeux.
Mais sans regarder uniquement la manne et les cailles, voyons le miracle continuel du blé qui germe par la bonté de Dieu qui a donné une terre propice à la culture et qui règle les vents, les pluies, la chaleur, les saisons pour que la semence devienne épi et que l’épi devienne pain. Et est-ce que cela n’a pas été un miracle de sa miséricorde d’avoir enseigné par une lumière surnaturelle à son fils coupable que ces herbes grandes et fines, qui se terminent par un épi de grains d’or à la chaude odeur de soleil, enfermés dans une dure enveloppe d’écailles épineuses, étaient une nourriture qu’il fallait récolter, égrener, réduire en farine, pétrir, cuire ?
Dieu a enseigné tout cela, et aussi comment le récolter, le trier, l’écraser, le pétrir, le cuire.
Il a mis les pierres près des épis et de l’eau près des pierres, il a allumé par des réverbérations de l’eau et du soleil le premier feu sur la terre et le vent a amené sur le feu des grains qui ont grillé en répandant une odeur agréable pour faire comprendre à l’homme qu’il est meilleur ainsi qu’au sortir de l’épi, comme les consomment les oiseaux, ou pétri après avoir été moulu, formant ainsi une pâte gluante que l’on cuit au feu.
Vous qui mangez maintenant du bon pain cuit dans le four familial, ne pensez-vous pas à toute la miséricorde que révèle le fait d’être parvenus à cette perfection de cuisson, à tout ce chemin indiqué à la connaissance humaine depuis le premier épi que l’homme a mastiqué comme le fait le cheval, jusqu’au pain actuel ? Et grâce à qui ? A Celui qui a donné le pain. Et ainsi en est-il pour toute espèce de nourriture que l’homme a su, par une lumière bienfaisante, distinguer parmi les plantes et les animaux dont le Créateur a couvert la terre, lieu de châtiment du père pour son fils coupable.
Donc, donner à manger aux affamés, c’est une prière de reconnaissance au Seigneur et Père qui nous rassasie, et c’est imiter le Père dont nous avons reçu gratuitement la ressemblance, et qu’il faut augmenter toujours plus en imitant ses actions. » [...]