En ce temps-là, comme Jésus avait expulsé un démon, certains dirent : « C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres. Si Satan, lui aussi, est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il ? Vous dites en effet que c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons. Mais si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? Dès lors, ils seront eux-mêmes vos juges. En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.” En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée. Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de sept ; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. »
(…) Mais répondez à cette question : si, moi, je chasse les démons au nom de Belzébuth, au nom de qui vos fils les chassent-ils ? Vous voudrez reconnaître alors qu’eux aussi sont des Belzébuth ? Si vous dites cela, ils verront en vous des calomniateurs. Et si leur sainteté est telle qu’ils ne réagissent pas à l’accusation, vous vous jugerez vous-mêmes en avouant qu’il y a beaucoup de démons en Israël, et Dieu vous jugera au nom des fils d’Israël accusés d’être des démons. Car, d’où que vienne le jugement, eux, au fond, seront vos juges, là où le jugement n’est pas dévoyé par des pressions humaines.
Ensuite si, comme c’est le cas, je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, c’est donc la preuve que le Royaume de Dieu est arrivé à vous, ainsi que le Roi de ce Royaume. Ce Roi a une puissance telle qu’aucune force opposée à son Royaume ne saurait lui résister. C’est pour cela que je lie les usurpateurs des fils de mon Royaume et que je les contrains à sortir des endroits qu’ils occupent et à me rendre leur proie pour que j’en prenne possession. N’est-ce pas ce que fait celui qui veut entrer dans une maison habitée par un homme fort pour lui enlever ses biens, honnêtement ou mal acquis ? C’est ce qu’il fait : il entre et le ligote, après quoi il peut piller la maison. Moi, je ligote l’ange des ténèbres qui a pris ce qui m’appartient et je lui enlève ce qu’il m’a dérobé. Et moi seul je peux le faire, parce que je suis le seul Fort, le Père du siècle à venir, le Prince de la Paix. (…)
Jésus dit :
“Dieu n’a pas envoyé son ange pour dire ‘Ave’ seulement à Marie. Dieu vous salue, ô chers enfants, avec ses attentions. Il vous envoie ses saintes inspirations par ses anges ; Dieu vous apporte ses bénédictions du matin au soir et du soir au matin. Vous êtes toujours entourés des ondes aimantes et prévoyantes de la pensée de Dieu.
Comment se fait-il alors que vous ne ressentiez rien ou si peu ? Comment se fait-il que vous ne viviez pas dans la justice et la sainteté ? C’est parce que vous êtes devenus imperméables à l’influence de la grâce, parce que votre volonté contraire au bien vous a rendus réfractaires à l’action de l’amour.
Gabriel dit à Marie : ‘Ave’, et le son de la voix angélique apporta une nouvelle vague de grâce sur Celle qui en était déjà inondée. La lumière très vive de son esprit immaculé atteignit la luminosité suprême, car la réponse de l’esprit de Marie fut parfaite.
Humilité, promptitude, pudeur, prière... que ne trouva pas de sublime la parole angélique pour devenir la première étincelle de l’incendie de l’Incarnation ? Grand fut le don que fit l’Eternel à Celle qu’il avait choisie – il la préserva de la faute originelle – pour être le premier tabernacle du corps du Fils. Mais quelle ne fut pas la plénitude de la réponse de Marie !
Si, non seulement les dons secrets que seul Dieu savait avoir donnés, mais aussi les dons manifestes dont on se rend compte – tels que l’intelligence suprême, les instructions surnaturelles, les contemplations brûlantes, et je ne parle que des dons moraux et spirituels – si ces dons avaient été prodigués à une autre créature, comment ne s’en serait-elle pas, au moins de temps en temps, glorifiée ?
Mais pas Marie. Plus Dieu l’élevait vers son trône et plus augmentaient en elle la reconnaissance, l’amour et l’humilité. Plus Dieu lui faisait comprendre que sur elle s’étendait la main de Dieu pour la protéger contre tous les pièges du mal et plus elle devenait vigilante contre le mal.
Marie n’a pas commis l’erreur qui fait s’effondrer tant d’âmes, capables de perfection ; elle n’a jamais dit : ‘Je sens que Dieu veille sur moi, je sens que Dieu m’a choisie. Je lui laisse le soin de me défendre contre l’Ennemi’. Non. Tout en reconnaissant l’œuvre de Dieu en elle, Marie agit comme si elle était la plus dénuée de toutes les créatures en dons spirituels. De l’aube au coucher du soleil, et même pendant son sommeil virginal sur lequel les anges veillaient, son âme restait vigilante.
Ne croyez pas que la tentation ait épargné Marie. Le Tentateur ne m’a pas épargné, moi ; il avait une double raison de ne pas épargner Marie. Double raison. La première : Marie était la créature sans tache, mais néanmoins une créature ; moi, j’étais Dieu. La deuxième : il était plus important pour Lucifer de corrompre le sein de la femme qui aurait porté le Christ que d’attaquer le Christ même.
Le Rusé savait que le Verbe se serait fait chair, par une fusion d’esprit à Esprit, dans un sein où ne logeait aucun péché. Aucun péché, je répète. Si, depuis Eve, il avait réussi à induire en tentation toutes les femmes, il aurait été sûr qu’il ne serait jamais vaincu par le Vainqueur éternel.
Une seule lui a toujours résisté : Marie. Et Un seul sait quelle dentelle, quelle filigrane de séduction tendit Lucifer autour de Marie pour secouer et ternir son âme super-angélique. Et c’est Dieu. Mais étant donné que certains secrets sont trop grands pour vous, il ne vous les dira pas. C’est à partir de la splendeur de Marie au ciel que vous comprendrez la grandeur de son âme. Une grandeur obtenue par sa propre volonté, et qui aurait été sublime même sans secours suprêmes, tant elle voulut être sainte par amour de son Dieu.
C’est donc avec raison que l’Ange put dire : ‘Pleine de grâce’. Oui, pleine de grâce. La Grâce était en elle. La Grâce, c’est-à-dire Dieu, et la grâce, c’est-à-dire le don de Dieu, qu’elle sut faire fructifier à mille pour cent.
Voilà ce qu’il faut, mes enfants, pour faire en sorte que les choses célestes conçoivent le Christ en vous : que vous adhériez à la grâce, que vous recueilliez la grâce, que vous multipliiez la grâce, que vous aspiriez la grâce. Pour vivre, le corps doit aspirer de l’air et absorber de la nourriture. Pour vivre, l’âme doit aspirer la grâce. Alors la Lumière peut descendre là où elle peut s’incarner, et le Christ naît mystiquement en vous comme il naquit réellement en Marie.
Je te salue, Marie, pleine de grâce. Regardez-la, vous tous, ô chrétiens si dissemblables au premier Fils de Marie ; regardez-la, surtout vous, les femmes, si dissemblables à Marie, et apprenez, et méditez sur le fait que le chemin du mal aux mille formes, c’est vous qui l’avez ouvert avec votre sujétion à la chair, si contraire à la vie de la grâce dans les créatures, sans laquelle l’être humain devient un démon et le monde un enfer.”
Les Cahiers de 1943, 4 septembre