En ce temps-là, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, apprit la renommée de Jésus et dit à ses serviteurs : « Celui-là, c’est Jean le Baptiste, il est ressuscité d’entre les morts, et voilà pourquoi des miracles se réalisent par lui. » Car Hérode avait fait arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et mettre en prison. C’était à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe. En effet, Jean lui avait dit : « Tu n’as pas le droit de l’avoir pour femme. » Hérode cherchait à le faire mourir, mais il eut peur de la foule qui le tenait pour un prophète. Lorsque arriva l’anniversaire d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu des convives, et elle plut à Hérode. Alors il s’engagea par serment à lui donner ce qu’elle demanderait. Poussée par sa mère, elle dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste. » Le roi fut contrarié ; mais à cause de son serment et des convives, il commanda de la lui donner. Il envoya décapiter Jean dans la prison. La tête de celui-ci fut apportée sur un plat et donnée à la jeune fille, qui l’apporta à sa mère. Les disciples de Jean arrivèrent pour prendre son corps, qu’ils ensevelirent ; puis ils allèrent l’annoncer à Jésus.
(…) Des voix d’hommes agités se font entendre dans le jardin. Ils demandent avec anxiété :
« Le Maître ! Le Maître ! Est-il ici ? »
La voix chantante de la maîtresse de maison leur répond :
« Il est dans la chambre du haut. Qui êtes-vous ? Des malades ?
– Non, des disciples de Jean et nous voulons voir Jésus de Nazareth. »
Jésus se présente à la fenêtre en disant :
« Que la paix soit avec vous… Oh ! C’est vous ? Venez ! Venez ! »
Ce sont les trois bergers Jean, Matthias et Siméon.
« Ah, Maître ! » disent-ils en levant la tête et en montrant un visage boulversé. Même la vue de Jésus ne les apaise pas.
Jésus sort de la pièce pour venir à leur rencontre sur la terrasse. Manahen le suit. Ils se rencontrent justement là où l’escalier débouche sur la terrasse ensoleillée.
Les trois hommes s’agenouillent en baisant le sol. Puis Jean dit, au nom de tous :
« C’est l’heure de nous recueillir, Seigneur, parce que nous sommes ton héritage.»
Des larmes coulent sur le visage du disciple et de ses compagnons. Jésus et Manahen poussent un seul cri :
« Jean ! ?
– Il a été tué… »
Ce mot tombe comme un gigantesque pavé qui couvre tous les fracas du monde. Et pourtant il a été prononcé très doucement. Mais il pétrifie celui qui le dit comme ceux qui l’entendent. On dirait que la terre, pour le recueillir et pour frémir d’horreur, suspend tout bruit tant il y a un moment de silence épais et de profonde immobilité chez les animaux, dans les frondaisons, dans l’air. Suspendu le roucoulement des colombes, coupée la flûte d’un merle, muet le chœur des passereaux ; une cigale qui stridule se tait à l’improviste comme si son organe s’était brisé tout d’un coup, pendant que tombe le vent qui caressait les pampres et les feuilles, avec un gémissement qui imite le frou-frou de la soie et le grincement des pieux.
Jésus devient d’une pâleur d’ivoire et ses yeux se dilatent en s’humectant de larmes. Il ouvre les bras en parlant, mais sa voix est profonde par l’effort qu’il fait pour la rendre assurée :
« Paix au martyr de la justice et à mon précurseur. »
Puis il croise les bras et se recueille ; il prie certainement, en s’unissant à l’Esprit de Dieu et à celui de Jean-Baptiste.(…)
“Le Temple nouveau, mon Église, s’élèvera seulement quand votre cœur sera la demeure de Dieu et c’est lui, avec vous comme pierres vivantes, qui édifiera son Eglise.
– Mais n’as-tu pas dit que Simon-Pierre en est le chef, la pierre sur laquelle on édifiera ton Eglise ? Et n’as-tu pas fait comprendre aussi que tu en es la Pierre angulaire ? Qui donc en est le chef ? Elle existe, ou non, cette Église ? interrompt Judas.
– J’en suis le Chef mystique, Pierre le chef visible. Car je retourne au Père en vous laissant la vie, la lumière, la grâce, par ma parole, par mes souffrances, et grâce au Paraclet, qui sera l’ami de ceux qui m’ont été fidèles. Je ne fais qu’un avec mon Église, mon corps spirituel dont je suis la tête.
La tête contient le cerveau, ou esprit. L’esprit est le siège du savoir, le cerveau est ce qui dirige les mouvements des membres par ses commandements immatériels, qui sont plus puissants pour faire mouvoir les membres que toute autre excitation. Observez un mort dans lequel le cerveau est mort : ses membres peuvent-ils bouger ? Observez un homme simple d’esprit. N’est-il pas inerte au point de ne pas avoir ces mouvements instinctifs rudimentaires que possède l’animal le plus inférieur, le ver que nous écrasons en passant ? Observez quelqu’un chez qui la paralysie a rompu tout contact d’un ou de plusieurs membres avec le cerveau. La partie qui n’a plus de lien vital avec la tête peut-elle encore remuer ?
Mais si l’esprit dirige par ses ordres immatériels, ce sont d’autres organes – les yeux, les oreilles, la langue, le nez, la peau – qui lui communiquent les sensations, et ce sont les autres parties du corps qui exécutent et font exécuter ses ordres, quand il est averti par les organes matériels et visibles autant que l’intellect est invisible. Pourrais-je, sans vous dire “ asseyez-vous ”, obtenir que vous vous asseyiez sur la pente de cette montagne ? Même si je pense que je veux que vous vous mettiez assis, vous ne le savez pas tant que je ne traduis pas ma pensée en paroles, en me servant de ma langue et de mes lèvres. Pourrais-je moi-même m’asseoir, si je le pensais seulement parce que je sens la fatigue de mes jambes, mais si celles-ci refusaient de se plier pour prendre cette position ? L’esprit a besoin d’organes et de membres pour faire et pour faire accomplir les opérations que la pensée décide.
Ainsi, dans ce corps spirituel qu’est mon Eglise, je serai l’Intellect, c’est-à-dire la tête, siège de l’intellect ; Pierre et ses collaborateurs seront ceux qui observent les réactions, perçoivent les sensations et les transmettent à l’esprit pour qu’il éclaire et ordonne ce qui convient pour le bien du corps entier, et pour que, ensuite éclairés et dirigés par mon ordre, ils parlent et guident les autres parties du corps. La main qui repousse l’objet susceptible de blesser le corps, ou qui éloigne ce qui, étant corrompu, peut corrompre, le pied qui saute l’obstacle sans vous heurter et vous blesser en vous faisant trébucher, en ont reçu l’ordre de la partie qui dirige. Un enfant, ou même un adulte peut être sauvé d’un danger ou tirer un profit (par exemple dans le domaine de l’instruction, de bonnes affaires, de son mariage, d’une bonne alliance) grâce à un conseil reçu, ou à une parole qu’on lui a dite : c’est par ce conseil et cette parole qu’il évite de se nuire ou qu’il se fait du bien. Il en sera ainsi dans l’Eglise. Le chef, et les chefs, guidés par la Pensée divine, éclairés par la Lumière divine et instruits par la Parole éternelle, donneront ordres et conseils, et les membres agiront pour obtenir la santé et le profit spirituels.
Mon Eglise existe dès maintenant, parce que d’ores et déjà elle possède sa Tête surnaturelle et sa Tête divine, et elle a ses membres, qui sont les disciples. Elle est encore petite : c’est un germe en formation. Elle est parfaite uniquement dans la Tête qui la dirige. Le reste a encore besoin que Dieu le touche pour atteindre la perfection, et il lui faut du temps pour grandir. Mais en vérité, je vous dis qu’elle existe déjà et qu’elle est sainte, grâce à celui qui en est le Chef et à la bonne volonté des justes qui la composent. Elle est sainte et invincible. L’enfer, composé des démons et des hommes-démons, ne cessera de s’en prendre à elle, il la combattra de multiples manières, mais il ne triomphera pas. L’édifice sera inébranlable.” [...]