« Un prophète n’est méprisé que dans son pays »
(Mt 13, 54-58)
En ce temps-là, Jésus se rendit dans son lieu d’origine, et il enseignait les gens dans leur synagogue, de telle manière qu’ils étaient frappés d’étonnement et disaient : « D’où lui viennent cette sagesse et ces miracles ? N’est-il pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères : Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes chez nous ? Alors, d’où lui vient tout cela ? » Et ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus leur dit : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison. » Et il ne fit pas beaucoup de miracles à cet endroit-là, à cause de leur manque de foi.
– Et les miracles, d’où en a-t-il le pouvoir ? Car, pour en faire, il en fait ! Toute la Palestine en parle.
– N’est-ce pas le fils de Joseph le menuisier ? Nous l’avons tous vu à son atelier de Nazareth fabriquer des tables et des lits, et ajuster des roues et des serrures. Il n’est même pas allé à l’école et sa Mère seule fut son enseignante.
– Cela aussi, c’est un scandale que notre père a critiqué, dit Joseph, fils d’Alphée.
– Mais tes frères eux aussi ont terminé l’école avec Marie, femme de Joseph.
– Eh ! Mon père s’est montré faible avec son épouse…, répond encore Joseph.
– Et aussi le frère de ton père, alors ?
– Lui aussi.
– Mais est-ce bien le fils du menuisier ?
– Tu ne le vois pas ?
– Oh, il y en a tant qui se ressemblent ! Moi je pense que c’est quelqu’un qui veut se faire passer pour lui.
– Dans ce cas, où est Jésus, fils de Joseph ?
– Crois-tu que sa Mère ne le connaît pas ?
– Il a ici ses frères et ses sœurs et tous le qualifient de parent. N’est-ce pas vrai, peut-être, vous deux ? »
Les deux fils aînés d’Alphée font signe que oui.
« Alors il est devenu fou ou possédé, car ses paroles ne peuvent venir d’un ouvrier.
– Il faudrait ne pas l’écouter. Sa prétendue doctrine, c’est du délire ou de la possession… »
… Jésus s’est arrêté sur la place pour attendre Alphée, fils de Sarah, qui parle avec un homme. Pendant ce temps, l’un des deux âniers qui était resté près de la porte de la synagogue lui rapporte les calomnies qu’on y a dites.
« Ne t’en afflige pas. En général, un prophète n’est pas honoré dans sa patrie et dans sa maison. L’homme est sot au point de croire que, pour être prophète, il faut être pour ainsi dire étranger à la vie. Or, mieux que tous, ses concitoyens et les membres de sa famille connaissent et se rappellent le caractère humain de leur concitoyen et parent. Mais la vérité triomphera toujours. Et maintenant, je te salue. Que la paix soit avec toi. (…) »
La véritable défense contre les malheurs de l’homme
Jésus dit :
« A cet endroit, qu’admirent les yeux de l’homme ? Des vallées creusées plus profondément que la nature ne les avait faites, des collines élevées à partir de massifs et de terre-pleins fabriqués par l’homme, des routes sinueuses qui pénètrent dans la montagne comme des tanières d’animaux. Et tout cela pourquoi ? Pour arrêter un danger dont on ne sait d’où il peut venir, mais que l’on sent menaçant comme un nuage de grêle dans un ciel orageux.
Ici, en vérité, on s’apprête humainement, par des forces humaines et des moyens humains, et même inhumains, à se défendre et à se préparer à l’attaque, oublieux des paroles du prophète qui enseigne à son peuple comment se défendre des malheurs humains par des moyens spirituels, les plus efficaces. Il crie : “ Consolez-vous… consolez Jérusalem : son esclavage est fini, son iniquité est expiée, car elle a reçu de la main du Seigneur double punition pour tous ses péchés. ” Et après la promesse, il précise comment faire pour la traduire dans la réalité : “ Préparez les chemins du Seigneur, redressez dans la solitude les sentiers de Dieu. Toute vallée sera comblée, toute montagne abaissée, les voies tortueuses seront redressées, les escarpées deviendront planes. Alors apparaîtra la gloire du Seigneur, et tous les hommes, sans exception, la verront, car la bouche du Seigneur a parlé. ” Ces mots furent repris par l’homme de Dieu, Jean-Baptiste, et seule la mort les a éteints sur ses lèvres.
Voilà la véritable défense contre les malheurs de l’homme. Elle ne consiste pas à lever les armes contre les armes, ce n’est pas non plus la défense contre l’attaque, ni l’orgueil, ni la férocité. Ce sont les armes surnaturelles, les vertus conquises dans la solitude, c’est-à-dire à l’intérieur de l’individu seul avec lui-même, qui s’efforce de se sanctifier en élevant des montagnes de charité, en abaissant des sommets d’orgueil, en redressant les chemins tortueux des désirs impurs, en enlevant de la route l’obstacle de la sensualité. Alors apparaîtra la gloire du Seigneur, et l’homme sera défendu par Dieu contre les embûches des ennemis spirituels et matériels. A quoi voulez-vous que servent quelques tranchées, quelques talus, quelques fortifications, contre le châtiment de Dieu irrité par le péché, ou même seulement par la tiédeur de l’homme ? Contre ces châtiments qui s’appelleront : Romains, comme ils se sont appelés autrefois Babyloniens, Philistins ou Égyptiens, mais qui en réalité sont une punition divine, et cela seulement, attirée par un excès d’orgueil, de jouissance, de cupidité, de mensonges, d’égoïsmes, de désobéissances à la Loi sainte du Décalogue. L’homme, même le plus fort, peut être tué par une mouche, la ville, même la mieux fortifiée, peut être prise quand l’un ou l’autre n’est plus protégé par Dieu, quand son assistance fait défaut, chassée, à cause des péchés de l’homme ou de la ville. »