En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et candides comme les colombes. Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux tribunaux et vous flagelleront dans leurs synagogues. Vous serez conduits devant des gouverneurs et des rois à cause de moi : il y aura là un témoignage pour eux et pour les païens. Quand on vous livrera, ne vous inquiétez pas de savoir ce que vous direz ni comment vous le direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. Le frère livrera son frère à la mort, et le père, son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mettre à mort. Vous serez détestés de tous à cause de mon nom ; mais celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Amen, je vous le dis : vous n’aurez pas fini de passer dans toutes les villes d’Israël quand le Fils de l’homme viendra. »
(…) Je vous envoie comme des brebis parmi les loups. Soyez donc prudents comme des serpents et simples comme des colombes. Car vous savez comment le monde, qui en vérité compte plus de loups que de brebis, agit de même avec moi, qui suis le Christ. Moi, je puis me défendre par ma puissance, et je le ferai jusqu’à ce que vienne l’heure du triomphe provisoire du monde. Mais vous, vous n’avez pas cette puissance, et vous avez besoin de davantage de prudence et de simplicité. Il vous faut donc plus de sagacité pour éviter actuellement prisons et flagellations.
Pour le moment, en vérité, vous avez beau affirmer que vous voudriez donner votre sang pour moi, vous ne supportez même pas un regard ironique ou coléreux. Plus tard, vous serez forts comme des héros contre toutes les persécutions, plus forts que des héros, d’un héroïsme inconcevable pour le monde, inexplicable, et qu’on qualifiera de “ folie ”. Non, ce ne sera pas de la folie ! Ce sera l’identification de l’homme à l’Homme-Dieu, par la force de l’amour, et vous saurez faire ce que j’aurai déjà fait. Pour comprendre cet héroïsme, il faudra le voir, l’étudier et le juger d’un point de vue surnaturel. Car c’est une chose surnaturelle qui dépasse toutes les limites de la nature humaine. Mes héros seront des rois, des rois de l’esprit, éternellement rois et héros…
En ce temps-là, on mettra la main sur vous et on vous arrêtera, on vous traînera devant les tribunaux, devant les chefs et les rois pour qu’ils vous jugent et vous condamnent pour ce qui est un grand péché aux yeux du monde : être les serviteurs de Dieu, les ministres et les défenseurs du bien, les maîtres des vertus. A cause de cela, vous serez flagellés et punis de mille façons jusqu’à subir la mort. Et vous me rendrez témoignage devant les rois, les présidents de tribunaux, les nations, confessant par votre sang que vous aimez le Christ, le vrai Fils du vrai Dieu.
Quand vous serez entre leurs mains, ne vous préoccupez pas de ce que vous devrez répondre et de ce que vous aurez à dire. N’éprouvez alors aucune peine, si ce n’est de l’affliction à l’égard des juges et des accusateurs que Satan dévoie au point de les rendre aveugles à la vérité. Les paroles à dire vous seront données à ce moment-là. Votre Père vous les mettra sur les lèvres, car ce ne sera pas vous qui parlerez alors pour convertir à la foi et professer la vérité, mais ce sera l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. (…)
Jésus dit :
«Je veux t’expliquer l’épître et l’évangile de la messe [...]. “Celui qui tiendra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé”, dit le passage évangélique. Et, dans l’épître, il est dit : “Ne perdez pas votre assurance, elle obtient une grande récompense. C’est d’endurance, en effet, que vous avez besoin pour accomplir la volonté de Dieu et obtenir ainsi la réalisation de la promesse. Car encore si peu, si peu de temps, et celui qui vient sera là, il ne tardera pas. Mon juste par la foi vivra, mais s’il fait défection, mon âme ne trouve plus de satisfaction en lui.”
Voici, ma fille. garde toujours en tête ces paroles lumineuses, en ton état d’accablement actuel comme en ceux à venir qui sont le fruit des manques de charité qui t’entourent. Ce sont ces mots qui ont fait la force des martyrs des tyrans, comme des martyrs de leurs proches ou de leurs supérieurs.
Il faut persévérer jusqu’à la fin, en dépit des railleries, des coups, des pressions ou des peines. Le prix attribué aux persévérants, c’est moi. Penses-y, Maria, c’est moi, ton Jésus ! En comparaison, que te sembleront, à ce moment-là, les épines qui te transpercent actuellement et te font tellement souffrir ? Une broutille, et même plus que cela: une joie. Tu les regarderas avec amour, tu les embrasseras avec reconnaissance, car c’est précisément grâce à elles que tu me posséderas plus fortement.
Toute souffrance surmontée sans fléchir accroît la fusion au ciel. Souviens-t’en. Là-haut, on voit tout sous un nouvel éclairage. Même ceux que tu arrives à aimer aujourd’hui uniquement par amour pour moi, car leur façon de faire inciterait ton humanité à ne pas les aimer, tu les aimeras là-haut de toi-même parce que tu verras en eux les moyens qui t’ont donné ce trésor infini que je suis.
La dernière prière des martyrs était pour leurs bourreaux, afin qu’ils parviennent à la Lumière. la dernière prière des saints était pour leurs oppresseurs, afin qu’ils parviennent à la Charité.
Tu ne sais pas, tu ne le sais pas, mais je te le dis. Bien des supérieurs de couvents, qu’une humanité – encore vive en eux malgré leur habit signifiant le renoncement à la chair – portait à l’orgueil et donc au manque de charité envers leurs inférieurs, sont parvenus au repentir et ainsi à une renaissance spirituelle à l’origine d’une nais-sance au ciel, précisément grâce aux prières d’un “saint” placé sous leur autorité. Ce dernier rachetait leurs duretés et leurs injustices par des actes d’amour surnaturel, en priant et souffrant pour la rédemption de ce cœur pourtant si peu bienveillant à son égard. Au ciel, maintenant, mes anges contemplent l’oppressé et l’oppresseur côte à côte ; d’ailleurs, ce n’est plus désormais l’oppresseur qui est le supérieur, c’est l’opprimé, et celui-ci, tel un père aimant, regarde avec joie celui qu’il a sauvé être entré dans la vie éternelle grâce à son amour véritable.
La lumière de ces âmes qui ont sauvé leurs persécuteurs est une lumière particulière : elle provient du rayon de mon côté ouvert, de mon cœur qui a prié sur la croix pour ceux qui me crucifiaient, car ceux qui prient pour leurs persécuteurs sont semblables à moi, qui ai prié pour mes bourreaux.
Fais donc preuve de confiance en moi, qui vois, ainsi que de patience à l’égard des autres et à l’égard de ce qui s’acharne contre toi. La récompense est telle, qu’elle mérite chaque sacrifice. Et elle ne tardera pas à venir.
Ne sois pas accablée. Laisse les autres être ce qu’ils veulent être. Tu es à moi, cela suffit. Au contraire, prie – c’est la plus grande des charités – pour que les autres deviennent ce que, moi, je veux qu’ils soient. Et sois toujours plus mienne. Va en paix, je te bénis.»
Les Cahiers de 1944, 20 janvier