En ce temps-là, Jésus monta en barque, refit la traversée, et alla dans sa ville de Capharnaüm. Et voici qu’on lui présenta un paralysé, couché sur une civière. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Confiance, mon enfant, tes péchés sont pardonnés. » Et voici que certains parmi les scribes se disaient : « Celui-là blasphème. » Mais Jésus, connaissant leurs pensées, demanda : « Pourquoi avez-vous des pensées mauvaises ? En effet, qu’est-ce qui est le plus facile ? Dire : “Tes péchés sont pardonnés”, ou bien dire : “Lève-toi et marche” ? Eh bien ! pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir, sur la terre, de pardonner les péchés… – Jésus s’adressa alors au paralysé – lève-toi, prends ta civière, et rentre dans ta maison. » Il se leva et rentra dans sa maison. Voyant cela, les foules furent saisies de crainte, et rendirent gloire à Dieu qui a donné un tel pouvoir aux hommes.
(…) « Maître ! Crie Pierre du milieu de la foule, il y a ici des malades. Deux peuvent attendre que tu sortes, mais celui-ci est bloqué par la foule… et puis il ne peut se tenir debout, et nous ne pouvons passer. Je le renvoie ?
– Non, descendez-le par le toit.
– Bien, nous le faisons tout de suite. »
On entend marcher sur le toit de la pièce ; comme elle ne fait pas vraiment partie de la maison, elle n’a pas de terrasse de ciment, mais une sorte de revêtement de fascines qui porte des espèces d’ardoises. Je ne sais de quelles pierres il peut s’agir. On pratique une ouverture et, avec des cordes, on descend le grabat sur lequel se trouve l’infirme. Il arrive juste devant Jésus. La foule s’agglutine plus encore, pour mieux voir.
« Tu as eu une grande foi, comme aussi tes porteurs.
– Oh ! Seigneur ! Comment ne pas en avoir pour toi ?
– Eh bien, je te le dis : mon fils (l’homme est jeune), tous tes péchés te sont remis. »
L’homme le regarde en pleurant… Peut-être reste-t-il un peu insatisfait parce qu’il espérait une guérison physique. Les pharisiens et les docteurs murmurent. Du nez, du front et de la bouche, ils font une grimace dédaigneuse.
« Pourquoi ces murmures, dans vos cœurs plus encore que sur vos lèvres ? D’après vous, est-il plus facile de dire au paralytique : “ Tes péchés te sont remis ”, ou bien : “ Lève-toi, prends ton grabat et marche ” ? Vous pensez que seul Dieu peut remettre les péchés, mais vous ne savez pas dire ce qu’il y a de plus grand, car cet homme, qui a perdu l’usage de ses facultés corporelles, a dépensé toutes ses ressources sans qu’on puisse le guérir. Il n’y a que Dieu qui ait ce pouvoir. Or, pour que vous sachiez que je peux tout, pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a pouvoir sur la chair et sur l’âme, sur la terre et au Ciel, je dis à cet homme : “ Lève-toi, prends ton grabat et marche. Rentre chez toi et sois saint. ” »
L’homme sursaute, pousse un cri, se dresse debout, se jette aux pieds de Jésus, les embrasse et les caresse, pleure et rit à la fois, et avec lui ses parents et la foule qui ensuite se range pour qu’il passe en triomphe et le suit en lui faisant fête. La foule, oui, mais pas les cinq hommes hargneux qui s’en vont, hautains et raides comme des piquets. (…)
« J’ai embrassé la volonté du Seigneur sur moi, sur mon époux, sur mon enfant. J’ai dit “ oui ” pour tous les trois, avec la certitude que Dieu n’allait pas mentir à sa promesse de me secourir dans ma douleur d’épouse qui se voit jugée coupable et de mère qui se rend compte qu’elle enfante son fils pour le livrer à la souffrance.
“ Oui ”, ai-je dit. Oui, et cela suffit.
Ce “ oui ” a effacé le “ non ” d’Eve au commandement de Dieu.
“ Oui, Seigneur, comme tu veux. Je connaîtrai ce que tu veux. Je vivrai comme tu le veux. Je connaîtrai la joie si tu le veux. Je souffrirai de ce que tu veux.
Oui, toujours oui, mon Seigneur, depuis cet instant où ton rayon m’a rendue mère jusqu’au moment où tu m’as appelée à toi.
Oui, toujours oui. Toutes les voix de la chair, toutes les inclinations de mes sens sont remises sous le poids de ce oui perpétuel.
Plus haut se trouve mon âme, placée comme sur un piédestal de diamant. Il lui manque des ailes pour voler vers toi, mais elle maîtrise tout mon être dompté et asservi pour te servir dans la joie comme dans la douleur.
Mais souris, mon Dieu, et sois heureux : la faute est vaincue, effacée, annihilée.
Elle gît sous mon talon, elle est lavée par mes larmes, détruite par mon obéissance. De mon sein naîtra l’Arbre nouveau. Il portera le Fruit qui connaîtra le mal, intégralement, pour l’avoir souffert en lui-même, et il produira le bien, intégralement. Les hommes pourront venir à lui et je serai heureuse qu’ils le cueillent, même sans penser qu’il naît de moi. Pourvu que l’homme soit sauvé et Dieu aimé, qu’il soit fait de sa servante ce que l’on fait de la terre où un arbre se dresse : un tremplin pour s’élever. ”
Maria, il faut toujours savoir être un tremplin pour que les autres s’élèvent vers Dieu. Peu importe s’ils nous piétinent, pourvu qu’ils réussissent à marcher vers la croix.
C’est le nouvel arbre qui porte le fruit de la connaissance du bien et du mal : il dit en effet aux hommes ce qui est mal et ce qui est bien pour qu’ils sachent choisir et vivre. Il sait en même temps devenir une liqueur capable de guérir les personnes empoisonnées par le mal auquel elles ont voulu goûter. Qu’importe si les pieds des hommes foulent notre cœur, pourvu que le nombre des rachetés croisse et que le sang de mon Jésus n’ait pas été versé sans produire de fruit. C’est là le sort des servantes de Dieu. Mais, ensuite, nous méritons de recevoir dans notre sein la sainte Hostie et de dire au pied de la croix baignée de son sang et de nos larmes : “ Père, voici l’hostie immaculée que nous t’offrons pour le salut du monde. Garde-nous, Père, unies à elle et, par ses mérites infinis, donne-nous ta bénédiction. ”
Quant à moi, je te donne ma caresse. Prends du repos, ma fille, le Seigneur est avec toi. »