En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie. Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde. Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. »
Enseignement de Jésus :
« De l’épisode de la Cène, en plus de la considération de la charité d’un Dieu qui se fait nourriture pour les hommes, quatre enseignements principaux ressortent.
(…) Quatrièmement : le sacrement de l’Eucharistie opère d’autant mieux qu’on est digne de le recevoir : si on s’en est rendu digne par une constante volonté qui brise la chair et rend l’esprit souverain, en vainquant les concupiscences, en pliant l’être aux vertus, en le tendant comme un arc vers la perfection des vertus et surtout de la charité.
Quand quelqu’un aime, il désire le bonheur de l’être aimé. Jean, qui m’aimait comme personne et qui était pur, obtint de ce sacrement le maximum de transformation. Il commença à partir de ce moment à être l’aigle auquel il est familier et facile de s’élever jusqu’aux hauteurs du Ciel de Dieu et de fixer le Soleil éternel. (…)
Le prêtre devrait agir comme le berger envers ses brebis (1/2)
Jésus dit :
« Voici une page douloureuse à dicter, à écrire, à lire. Mais c’est la vérité et elle sera dite. Écris. Elle est destinée aux prêtres.
L’on accuse beaucoup les fidèles d’être peu fidèles et très tièdes. L’on accuse beaucoup les hommes de ne pas avoir de charité, ni de pureté, ni de détachement des richesses, ni d’esprit de foi. Mais, de même que les enfants sont, à de rares exceptions près, tels que leurs parents les forment, moins par les punitions que par l’exemple, de même les fidèles sont, à part les exceptions qui existent toujours, tels que les prêtres les forment, moins par les paroles que par l’exemple.
Les églises disséminées au milieu des maisons de l’homme devraient être une sorte de phare et un lieu de purification. Il devrait s’en dégager une lumière douce et puissante, pénétrante et attirante qui, comme il en est de la lumière du jour, pénètre au fond des cœurs en dépit de toutes les serrures.
Voyez une belle journée d’été. Le soleil diffuse une lumière glorieuse qui embrasse la terre, si victorieuse et puissante que, même dans la pièce la mieux fermée, l’obscurité n’est jamais complète. Ce peut être un rayon fin comme un cheveu de bébé, ce peut être un point qui tremble sur un mur, ce peut être une poussière d’or qui danse dans l’air, mais il y a, dans cette pièce, un petit signe de lumière qui témoigne que le soleil de Dieu resplendit au-dehors.
Il en va de même des cœurs les plus barricadés : s’il se dégageait, des églises disséminées parmi les maisons, une “lumière” comme celle que je vous ai donnée pour signe, ô prêtres que j’appelle “lumière du monde” – je vous ai appelés ainsi quand je vous ai créés –, un fil, un point, une poussière de lumière y pénétrerait ; cela suffirait à rappeler qu’il existe “une Lumière” sur le monde, à donner aux cœurs faim de lumière, de “cette Lumière”.
Mais combien y a-t-il d’églises dont il émane une lumière vive au point de forcer les portes fermées des cœurs et d’y pénétrer pour porter Dieu, Dieu qui est Lumière ? Vous, curés, prêtres et moines, vous tous que j’ai appelés à me porter dans les cœurs, combien y a-t-il d’âmes, dans vos églises, qui soient enflammées de charité au point d’arriver à vaincre le gel des âmes et à porter dans les cœurs des hommes l’amour de Dieu et l’amour pour Dieu, pour Dieu qui est Charité ?
Les hommes pris dans leurs souffrances – et je suis seul à savoir combien elles sont nombreuses –, devraient pouvoir considérer leur église comme une mère sur le sein de laquelle on va pleurer et entendre des mots de réconfort après avoir raconté tous ses problèmes, avec la certitude d’être écouté et compris. Leurs souffrances sont différentes des vôtres, ou du moins les vôtres devraient être différentes des leurs, car vous devriez uniquement souffrir des peines provoquées par votre zèle pour votre Seigneur Dieu qui n’est pas assez aimé, pour les fidèles qui se perdent, pour les pécheurs qui ne se convertissent pas: ce sont celles-ci, et nulle autre, qui devraient être vos souffrances. Car, en vous appelant, je ne vous ai pas indiqué un palais, une table, une bourse, une famille, mais une croix, ma croix, sur laquelle je suis mort nu, sur laquelle j’ai expiré seul, sur laquelle je suis monté après m’être détaché, dépouillé de tout, et même de ma pauvreté qui était richesse comparée à ma misère de condamné à qui il ne reste plus que l’échafaud fait d’un peu de bois, de trois clous et d’une poignée d’épines tissées en couronne; tout cela pour dire à tous – et à vous en particulier – que les âmes sont sauvées par le sacrifice, par la générosité dans le sacrifice qui va jusqu’au dépouillement total et absolu des affections, du confort, du nécessaire, de la vie. » [...]
Les Cahiers de 1944, 27 janvier