« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson »
(Jn 6, 52-59)
En ce temps-là, les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi.
Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Voilà ce que Jésus a dit, alors qu’il enseignait à la synagogue de Capharnaüm.
(...) Moi, je peux me donner, je peux me transsubstantier par amour pour les hommes, de sorte que le pain devienne Chair et que la Chair devienne pain, pour la faim spirituelle des hommes qui, sans cette nourriture, mourraient de faim et de maladies spirituelles. Mais si quelqu’un mange de ce Pain avec justice, il vivra éternellement. Le Pain que je donnerai, ce sera ma Chair immolée pour la vie du monde ; ce sera mon amour répandu dans les maisons de Dieu pour que viennent à la table du Seigneur ceux qui sont aimants ou malheureux et qu’ils trouvent un réconfort pour leur besoin de se fondre en Dieu et un soulagement pour leurs peines.
– Mais comment peux-tu nous donner ta chair à manger ? Pour qui nous prends-tu ? Pour des fauves sanguinaires ? Pour des sauvages ? Pour des homicides ? Le sang et le crime nous répugnent. (...)
Jésus dit :
« Mon disciple dit : “Dieu est amour et qui a l’amour a Dieu. Comment quelqu’un peut-il prétendre aimer Dieu s’il n’aime pas ses frères ?”
Le mot “frères” ne désigne pas ici les enfants d’un même sang, pas même les fils d’une seule nation, ni les fidèles d’une même religion. Vous êtes tous frères, puisque unique est le cep : Adam, et unique l’origine : Dieu. Latins, aryens, asiatiques, africains, civilisés ou non, vous ne provenez pas de plusieurs créateurs, mais d’un unique Créateur: votre Dieu qui est le Seigneur des cieux et le Père de tous les vivants.
Les enfants les plus chers à son cœur sont ceux qui ont été régénérés dans le baptême du Christ. Ceux qui vivent l’enseignement du Christ sont ses enfants les plus aimés, qui sont aussi cohéritiers, avec le Christ, de la Cité céleste. Mais, si les degrés de paternité et de filiation sont divers, unique est toujours votre origine surnaturelle et naturelle : Dieu, votre Père divin ; Adam, votre père terrestre.
Par conséquent, vous qui désirez être “parfaits” – non par orgueil pervers de l’esprit mais par obéissance à mon doux commandement : “Soyez parfaits comme mon Père est parfait” –, vous ne devez pas nourrir de sentiments de mépris ou de répugnance à l’égard de ceux qui ne sont pas, comme vous, “chrétiens” de fait ou catholiques de nom. Vous n’avez pas à dire : “Parce que cet individu est incroyant, schismatique ou païen, je le considère comme un reptile ou une bête immonde, il me fait horreur, il me scandalise.” Une seule chose doit vous faire horreur et vous scandaliser, car elle est impureté et corruption : c’est votre commerce avec Satan qui porte atteinte à votre âme et vous rend répugnants aux yeux de Dieu. Cela, vous devez le fuir, l’éviter, même des yeux de l’esprit. Cela seulement.
Mais si vous êtes ou voulez être des “enfants de Dieu”, de vrais enfants, il vous faut faire preuve d’amour envers vos frères misérables spirituellement, envers les indigents de l’âme, les malades de l’âme, les impurs de l’âme. Les idolâtres sont des pauvres, les schismatiques sont des indigents, les pécheurs sont des malades ; de même, sont impurs ceux qui sont dévoyés par des doctrines encore plus néfastes que celles de religions chrétiennes mineures, qui croient au Christ sans être pour autant une branche de l’arbre véritable, mais un rameau non greffé dans le Christ et par conséquent sauvage, producteur de fruits amers et indigne de la table céleste. Car, si la bienveillance de Dieu juge les actes de chacun selon la justice et récompense les “bons” – comme cela est juste –, cette récompense ne sera jamais aussi éclatante et abondante que celle que recevront les vrais fils de l’Eglise véritable.
Il est beaucoup pardonné à ceux qui aiment et croient en une autre religion, en pensant être dans le vrai. Mais puisque l'Évangile est aussi annoncé dans ces pays séparés de Rome, il sera aussi beaucoup demandé à ces sourds qui n’ont pas voulu entendre la Voix et voir la Lumière de Jésus Christ, vivant dans son Eglise apostolique romaine.
Mais ce n’est pas à vous, les catholiques, qu’il revient de juger. j’ai dit : “Ne jugez pas.” j’ai dit : “Ôte d’abord la poutre de ton œil, alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère.” Vous avez beaucoup de poutres dans les yeux, vous, les chrétiens catholiques à la foi lézardée, à la charité trop tiède et aux quatre vertus cardinales éteintes. Beaucoup. Trop. Veillez à ce qu’il ne vous arrive pas que les idolâtres et les païens vous surpassent dans l’amour du Christ et méritent de s’entendre félicités avant vous pour leur foi solide en la religion de leurs pères, pour leur amour du Dieu qu’ils connaissent, et pour les vertus qu’ils pratiquent courageusement.
L’amour purifie même ce qui est impur et profané. C’est l’amour qui a purifié Marie de Magdala et Lévi. L’on peut comparer les religions non-catholiques à ces deux personnages de l’Evangile que leur amour a sauvés. L’on peut considérer, mes enfants, que leurs fidèles qui vivent dans l’amour de Dieu comme cela leur a été enseigné (Dieu demandera aux responsables de leur séparation d’avec Rome la raison de leur erreur) soient rendus purs à mes yeux par l’amour qui existe en eux. je le répète : il leur sera demandé la raison pour laquelle ils n’ont pas voulu accepter l’Evangile prêché par Rome ; mais le regard de Dieu ne leur sera pas refusé, car leur autel impur, l’autel de leur âme, aura été purifié par l’amour. »
Les Cahiers de 1944, 12 janvier