En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
(…) Jésus s’est arrêté devant une petite maison modeste, avec un puits devant. Il va ensuite s’asseoir près du puits et c’est là que le rejoignent les disciples, qui sont encore en train de mesurer leurs prérogatives respectives.
Jésus les regarde, puis il les appelle :
« Venez autour de moi, et écoutez le dernier enseignement de la journée, vous qui célébrez sans cesse vos mérites et pensez à vous adjuger une place en rapport avec eux. Vous voyez cet enfant ? Il est dans la vérité plus que vous. Son innocence lui donne les clés pour ouvrir les portes de mon Royaume. Lui, il a compris, dans sa simplicité de tout petit, que c’est dans l’amour que se trouve la force de devenir grand et dans l’obéissance par amour celle d’entrer dans mon Royaume. Soyez simples, humbles, aimants d’un amour qui ne soit pas à mon égard seulement, mais que vous partagiez entre vous, obéissant à mes paroles, à toutes, même à celles-ci, si vous voulez arriver là où entreront ces innocents. Apprenez auprès des petits. Le Père leur révèle la vérité comme il ne la révèle pas aux sages. »
Jésus parle en tenant Benjamin debout contre ses genoux et il garde ses mains sur ses épaules. A ce moment, le visage de Jésus est plein de majesté. Il est sérieux, pas courroucé, mais sérieux. C’est vraiment le Maître. Le dernier rayon de soleil nimbe sa tête blonde. (…)
L'obéissance aux autorités ; le devoir de justice de celles-ci
Jésus dit :
“Une grande leçon, trop souvent négligée, est celle qu’on peut lire dans le chapitre 4 du Livre de Néhémie.
Vigilance, constance, oraison. Voilà les trois armes plus puissantes que les flèches, les lances et les épées. Et voilà aussi la nécessité qu’il y ait, entre le peuple et Dieu, ceux qui se vouent spécialement à prier pour ceux qui travaillent et qui ne savent pas employer en même temps les mains à leurs occupations et leur cœur à la prière.
Le Livre d’Esdras dit que les jeunes qui travaillaient, même ceux qui étaient occupés au travail et non à la défense, travaillaient l’épée au flanc et prête à la lutte. Il n’y avait pas de rébellions au sein du commandement qui les désignait soit au travail, soit à la défense. Les supérieurs sont toujours inspirés par Dieu, et lorsqu’ils attribuent les tâches, on doit leur obéir promptement et sans murmurer.
Tous ont ce devoir. Et vous l’avez en particulier envers Dieu, Supérieur suprême, qui dans sa providence décide des missions et des changements dans les missions. Malheur aux cœurs attachés aux choses périssables, lesquels se révoltent contre l’obéissance en disant : ‘Je me sens mieux dans cet état et je ne veux pas de cet autre état’.
Je ne veux pas ! Comment pouvez-vous dire que vous ne voulez pas ? Où sont l’obéissance, la soumission, l’amour de la volonté de Dieu qui transparaît derrière les ordres des êtres humains ? Il vous est licite de ne pas vouloir en une chose seulement: quand on vous impose d’accomplir le mal. Alors, vous devez résister et dire : ‘Non’, même si cela fait de vous des martyrs.
Et vous qui avez le pouvoir de commander, que ce soit dans les grandes ou dans les petites choses, entendez ce que vous dit le Seigneur, qui a d’abord parlé aux subordonnés à travers le Livre et maintenant vous parle à vous.
Souvenez-vous que diriger est une charge deux fois plus lourde que d’être dirigés. Il ne tient qu’à vous de ne pas vous rendre responsables de la ruine d’autrui. Les subordonnés répondent à Dieu d’eux-mêmes. Vous, vous répondez de vous-mêmes et d’eux. A la dignité de la charge correspond la sévérité de votre conduite envers vous-mêmes. Vous devez être un exemple, car l’exemple entraîne, dans le bien comme dans le mal. Et de supérieurs mauvais ou simplement paresseux, on ne peut avoir que des subordonnés mauvais ou paresseux.
Il en est ainsi dans une communauté et ainsi dans un État. Les petits regardent les grands et sont le miroir des grands. Souvenez-vous-en.
Une autre qualité, après une conduite irréprochable, est la bonté. La bonté freine les instincts plus que les prisons et les ordonnances. Faites-vous aimer et on vous obéira. Vous entraînerez à la bonté en étant bons. Mais malheur à vous si vous êtes avides, injustes, méchants : on vous haïra, on vous raillera, on vous désobéira, même et surtout lorsque vous donnerez des ordres justes, et on vous obéira, plus que vous ne le voudriez, en copiant votre avidité, votre injustice, votre méchanceté.
Ne vous enivrez pas de votre honneur au point d’être incapables de comprendre vos subordonnés dans leurs besoins légitimes et dans leurs plaintes. Être chef veut dire être un ‘père’. C’est pour cela que Dieu vous a donné l’autorité. Non pour que vous vous en serviez comme d’un fouet sur vos inférieurs. Vous n’êtes pas omniprésents comme Dieu, c’est vrai. Mais quand on veut, on peut, en autant qu’on veut. Et si on veut savoir la vérité, on la sait.
Vigilance, donc, sur tout et sur tous. Non pas une sotte et aveugle confiance et une paresseuse insouciance à l’égard de vos adjoints. Tout le monde n’est pas juste et de nombreux Judas se trouvent dans les rangs des adjoints des chefs. Ne soyez pas leurs esclaves en mendiant leur approbation pour régner. Soyez justes et c’est tout. Et si vous voyez qu’en votre nom on exerce un despotisme coupable, assurez-vous d’être toujours libres d’obligations envers vos représentants, de façon à pouvoir les reprendre sans crainte que, d’accusés, ils deviennent accusateurs.
Soyez honnêtes et justes. Honnêtes pour ne pas profiter du sort au détriment de vos inférieurs. Justes pour savoir punir ceux qui, pour devenir quelqu’un, ont cru que tous les moyens étaient licites.
Si vous agissez ainsi, vous pourrez toujours dire à Dieu : ‘Souviens-toi de moi en bien, parce que j’ai fait le bien à ceux que tu m’as confiés’.”
Les Cahiers de 1943, 23 décembre