En ce temps-là, Jésus sortit et remarqua un publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts) du nom de Lévi assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » Abandonnant tout, l’homme se leva ; et il le suivait. Lévi donna pour Jésus une grande réception dans sa maison ; il y avait là une foule nombreuse de publicains et d’autres gens attablés avec eux. Les pharisiens et les scribes de leur parti récriminaient en disant à ses disciples : « Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? » Jésus leur répondit : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. »
(…) Ils sont arrivés sur la place. Jésus va tout droit au comptoir de la gabelle où Matthieu est en train de faire ses comptes et de vérifier les pièces de monnaie. Il les répartit par catégories en les mettant dans des sacs de diverses couleurs qu’il place dans un coffre de fer que deux serviteurs attendent de transporter autre part.
A peine l’ombre projetée par la grande taille de Jésus s’allonge-t-elle sur le comptoir que Matthieu lève la tête pour voir qui vient le payer en retard. Pierre tire alors Jésus par la manche pour lui dire :
« Il n’y a rien à payer, Maître. Que fais-tu ? »
Mais Jésus ne répond pas. Il fixe les yeux sur Matthieu, qui s’est levé immédiatement en signe de respect. Un second regard pénétrant. Mais ce n’est pas, comme l’autre fois, un regard de juge sévère. C’est un regard d’appel, un regard aimant, qui l’enveloppe, le pénètre d’amour. Matthieu rougit. Il ne sait que faire, que dire…
« Matthieu, fils d’Alphée, l’heure a sonné. Viens. Suis-moi, lui déclare Jésus majestueusement.
– Moi ? Maître, Seigneur ! Mais sais-tu qui je suis ? C’est pour toi, pas pour moi, que je le dis…
– Viens, suis-moi, Matthieu, fils d’Alphée, répète Jésus plus doucement.
– Ah ! Comment puis-je avoir trouvé grâce auprès de Dieu ? Moi… Moi…
– Matthieu, fils d’Alphée, j’ai lu dans ton cœur. Viens, suis-moi. »
Cette troisième invitation est une caresse.
« Oh ! Tout de suite, mon Seigneur ! »
En larmes, Matthieu sort de derrière le comptoir sans plus s’occuper de ramasser les pièces de monnaies éparses ou de fermer le coffre. Rien.
« Où allons-nous, Seigneur ? demande-t-il quand il est près de Jésus. Où me conduis-tu ?
– Chez toi. Veux-tu donner l’hospitalité au Fils de l’homme ?
– Oh !… mais… mais que vont dire ceux qui te haïssent ?
– Moi, j’écoute ce qu’on dit au Ciel, et j’entends : “ Gloire à Dieu pour un pécheur qui se sauve ! ” Et le Père dit : “ La miséricorde se lèvera éternellement dans les Cieux et se répandra sur la terre et puisque je t’aime d’un amour éternel, d’un amour parfait, je te fais miséricorde à toi aussi. ” Viens. Que par ma venue, ta maison, en plus de ton cœur, soit sanctifiée.
– Je l’ai déjà purifiée par l’espérance que j’avais dans l’âme… mais que ma raison ne pouvait croire vraie… Oh ! M’admettre dans la compagnie de tes saints… » et il regarde les disciples.
« Oui, avec mes amis. Venez. Je vous unis. Et soyez frères. »
Les disciples en sont tellement stupéfaits qu’ils n’ont toujours pas su que dire. Ils ont marché en groupe, derrière Jésus et Matthieu, sur la place tout ensoleillée et maintenant totalement déserte, par un bout de route qui brûle sous un soleil éblouissant. Il n’y a pas âme qui vive dans les rues, rien d’autre que le soleil et la poussière (…)