Quand fut accompli le temps où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait montré la grandeur de sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant. Ils voulaient l’appeler Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère prit la parole et déclara : « Non, il s’appellera Jean. » On lui dit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Jean est son nom. » Et tout le monde en fut étonné. À l’instant même, sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. La crainte saisit alors tous les gens du voisinage et, dans toute la région montagneuse de Judée, on racontait tous ces événements. Tous ceux qui les apprenaient les conservaient dans leur cœur et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui. L’enfant grandissait et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il se fit connaître à Israël.
(…) Je vois la maison en fête. C’est le jour de la circoncision.
Marie a veillé à ce que tout soit beau et bien rangé. Les pièces resplendissent de lumière, et les plus beaux tissus, les plus jolies décorations réjouissent les yeux. Il y a beaucoup de monde. Marie se déplace entre les différents groupes avec agilité, toute belle dans son plus beau vêtement blanc.
Elisabeth, révérée en tant que maîtresse de maison, est tout au bonheur de la fête. Son enfant est sur son sein, repu de lait.
Le moment de la circoncision arrive.
« Nous l’appellerons Zacharie. Tu es âgé, et il convient que l’on donne ton nom à l’enfant, disent les hommes.
– Ah, ça non ! S’exclame sa mère. Son nom est Jean. Par son nom, il doit rendre témoignage à la puissance de Dieu.
– Mais quand donc y a-t-il eu un Jean dans notre famille ?
– Peu importe. Il doit s’appeler Jean.
– Qu’en dis-tu, Zacharie ? Tu souhaites qu’il porte ton nom, n’est-ce pas ? »
Zacharie fait signe que non. Il prend la tablette et écrit :
« Son nom est Jean. »
A peine a-t-il fini d’écrire que sa langue se libère et il ajoute :
« Car Dieu nous a fait une grande grâce, à sa mère et à moi son père, ainsi qu’à son nouveau serviteur que voici, qui consacrera sa vie à la gloire du Seigneur et sera qualifié de grand, d’âge en âge et aux yeux de Dieu, parce qu’il s’emploiera à convertir les cœurs au Très-Haut. L’ange l’avait dit, et je ne l’ai pas cru. Mais maintenant je crois et la lumière se fait en moi. Elle est au milieu de nous, mais vous ne la voyez pas. Son sort sera de ne pas être vue, car les hommes ont l’esprit lent et encombré. Mais mon fils la verra et parlera d’elle, et il tournera vers elle les cœurs des justes d’Israël. Ah, bienheureux ceux qui croiront en elle et croiront toujours à la Parole du Seigneur ! Et toi, sois béni, Seigneur éternel, Dieu d’Israël, qui visites et rachètes ton peuple. Tu as fait surgir la force qui nous sauve dans la maison de David ton serviteur, comme tu l’avais dit par la bouche des saints, par tes prophètes, depuis les temps anciens : salut qui nous arrache à l’ennemi, à la main de tous nos oppresseurs, amour que tu montres envers nos pères, mémoire de ton alliance sainte, serment juré à notre père Abraham de nous rendre sans crainte afin que, délivrés de la main des ennemis nous te servions dans la justice et la sainteté, en ta présence, tout au long de nos jours », et ainsi de suite, jusqu’à la fin. (J’ai tout écrit jusqu’à ce point parce que, comme vous le voyez, Zacharie s’adresse directement à Dieu).
C’est la stupeur dans l’assistance, aussi bien pour le nom qu’à la vue du miracle et devant les paroles de Zacharie.
Elisabeth, qui a poussé un cri de joie dès les premiers mots de Zacharie, pleure maintenant pendant que Marie la tient embrassée et la caresse, radieuse.
Je ne vois pas la circoncision. Je vois seulement Jean hurler comme un désespéré quand on le rapporte. Même le lait de sa mère ne parvient pas à le calmer. Il se débat comme un jeune poulain. Mais Marie le prend dans ses bras et le berce, de sorte qu’il se calme et ne crie plus.
« Voyez donc », dit Sarah. « Il se tait seulement quand c’est elle qui le prend. »
Les gens partent peu à peu. Il ne reste dans la pièce que Marie tenant le bébé dans ses bras et Elisabeth, tout heureuse.
Zacharie entre et ferme la porte. Il regarde Marie, les larmes aux yeux. Il veut parler, puis se tait. Il s’avance alors et s’agenouille devant elle.
« Bénis ce misérable serviteur du Seigneur », dit-il. « Bénis-le, puisque tu peux le faire, toi qui le portes dans ton sein. La parole de Dieu s’est adressée à moi lorsque j’ai reconnu mon erreur et que j’ai cru à tout ce qui m’avait été dit. Je te vois, toi et ton heureux sort. J’adore en toi le Dieu de Jacob. Toi, mon premier Temple, où le prêtre revenu à lui peut de nouveau prier l’Eternel. Tu es bénie, toi qui as obtenu grâce pour le monde et lui portes le Sauveur. Pardonne à ton serviteur de ne pas avoir vu ta majesté au premier abord. Tu nous as apporté toutes les grâces par ta venue car, où que tu ailles, ô Pleine de grâce, Dieu opère des prodiges, les murs où tu entres deviennent saints, tout comme les oreilles qui entendent ta voix et les corps que tu touches. Les cœurs eux aussi sont sanctifiés parce que tu donnes toutes grâces, toi la Mère du Très-Haut, la Vierge annoncée par les prophètes et attendue pour donner son Sauveur au peuple de Dieu. »
Marie, dont l’humilité rayonne, sourit. Elle dit (…)