En ce temps-là, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon. Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.
(…) Mais voilà que survient une femme qui n’est pas de la maison, une pauvre femme en larmes, honteuse… Elle marche toute courbée, presque en rampant et, arrivée près du groupe au milieu duquel se trouve Jésus, elle se met à crier :
« Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma petite fille est toute tourmentée par le démon qui lui fait commettre des choses honteuses. Aie pitié parce que je souffre beaucoup et que je suis méprisée par tous à cause de cela. Comme si ma fille était responsable de ce qu’elle fait… Aie pitié, Seigneur, toi qui peux tout. Elève ta voix et ta main, et ordonne à l’esprit impur de sortir de Palma. Je n’ai que cette enfant et je suis veuve… Oh ! Ne t’en va pas ! Pitié !… »
En effet, Jésus, qui a fini de bénir chaque membre de la famille et qui a réprimandé les adultes d’avoir parlé de sa venue – et eux s’en excusent en disant : “ Nous n’avons pas parlé, Seigneur, tu peux en être sûr ! ” – s’éloigne. Il fait preuve d’une dureté inexplicable envers la pauvre femme qui se traîne sur les genoux, les bras tendus en une supplication fébrile, en disant :
« C’est moi, moi qui t’ai vu hier passer le torrent, et j’ai entendu qu’on t’appelait “ Maître ”. Je vous ai suivis parmi les buissons et j’ai entendu vos conversations. J’ai compris qui tu es… Et ce matin, je suis venue alors qu’il faisait encore nuit, pour rester ici sur le seuil comme un petit chien jusqu’au moment où Sarah s’est levée et m’a fait entrer. Oh ! Seigneur, pitié ! Pitié pour une mère et une fillette ! »
Mais Jésus marche rapidement, sourd à tout appel. Les habitants de la maison disent à la femme :
« Résigne-toi ! Il ne veut pas t’écouter. Il l’a dit : c’est pour les fils d’Israël qu’il est venu… »
Mais elle se lève, à la fois désespérée et pleine de foi, et elle répond :
« Non. Je vais tellement le prier qu’il m’écoutera. »
Et elle se met à suivre le Maître sans cesser de crier ses supplications qui attirent sur le seuil des maisons du village tous ceux qui sont éveillés et qui, comme ceux de la maison de Jonas, se mettent à la suivre pour voir comment tout cela va se terminer.
(…) Pendant ce temps, les apôtres, étonnés, se regardent les uns les autres et murmurent :
« Pourquoi agit-il ainsi ? Il ne l’a jamais fait ! » (…)
« Allons le dire au Maître, pour qu’il la chasse lui-même, puisqu’il ne veut pas l’exaucer. Cela ne peut pas durer ainsi ! dit Matthieu, alors qu’André murmure :
– La pauvre ! »
Et Jean ne cesse de répéter :
« Moi, je ne comprends pas… Je ne comprends pas… »
Jean est bouleversé de la façon d’agir de Jésus. Mais à présent, en accélérant leur marche, ils ont rejoint le Maître qui marche rapidement comme si on le poursuivait.
« Maître ! Renvoie donc cette femme ! C’est un scandale ! Elle crie derrière nous ! Elle nous fait remarquer par tout le monde ! La route se remplit de toujours plus de gens… et beaucoup la suivent. Dis-lui de partir.
– Dites-le-lui vous-mêmes. Moi, je lui ai déjà répondu.
– Elle ne nous écoute pas. Allons ! Dis-le-lui, toi. Et avec sévérité. »
Jésus s’arrête et se retourne. La femme prend cela pour un signe de grâce, elle hâte le pas et hausse le ton déjà aigu de sa voix ; son visage pâlit car son espoir grandit.
« Tais-toi, femme, et retourne chez toi ! Je l’ai déjà dit: “ C’est pour les brebis d’Israël que je suis venu. ” Pour guérir les malades et rechercher celles qui sont perdues. Toi, tu n’es pas d’Israël. »
Mais la femme est déjà à ses pieds et les baise en l’adorant et serrant ses chevilles, comme si elle était une naufragée qui a trouvé un rocher où se réfugier. Elle gémit :
« Seigneur, viens à mon secours ! Tu le peux, Seigneur. Commande au démon, toi qui es saint… Seigneur, Seigneur, tu es le Maître de tout, de la grâce comme du monde. Tout t’est soumis, Seigneur. Je le sais. Je le crois. Prends donc ce qui est en ton pouvoir et sers-t’en pour ma fille.
– Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants de la maison et de le jeter aux chiens de la rue.
– Moi, je crois en toi. En croyant, de chien de la rue je suis devenue chien de la maison. Je te l’ai dit : je suis venue avant l’aube me coucher sur le seuil de la maison où tu étais, et si tu étais sorti de ce côté là, tu aurais buté contre moi. Mais tu es sorti de l’autre côté et tu ne m’as pas vue. Tu n’as pas vu ce pauvre chien tourmenté, affamé de ta grâce, qui attendait pour entrer en rampant là où tu étais, pour te baiser ainsi les pieds, en te demandant de ne pas le chasser…
– Il n’est pas bien de jeter le pain des enfants aux chiens, répète Jésus.
– Pourtant, les chiens entrent dans la pièce où le maître prend son repas avec ses enfants, et ils mangent ce qui tombe de la table, ou les restes que leur donnent les gens de maison, ce qui ne sert plus. Je ne te demande pas de me traiter comme une fille et de me faire asseoir à ta table. Mais donne-moi, au moins, les miettes… »
Jésus sourit. Oh ! Comme son visage se transfigure dans ce sourire de joie… ! Les gens, les apôtres, la femme, le regardent avec admiration… sentant que quelque chose va arriver. (…)
L'Action catholique est le nom d'ensemble des mouvements créés par l'Église catholique au XXe siècle dans le cadre du catholicisme social à destination de catégories précises de la société. Créée en 1924, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) constitue l'un de ses exemples célèbres.
Maria Valtorta écrit :
Durant l’année sociale 1930-1931, le concours avait pour sujet la morale chrétienne. Ce fut un concours magnifique ! Il y avait tant à dire ! Et comme il était utile que l’on sache ce qu’est la morale et surtout ce qu’est la morale chrétienne ! J’y travaillais intensément. Les examens se révélèrent un véritable succès. Les responsables de l’ A.C. diocésaine ne savaient qui choisir pour le concours diocésain, car les 10 sur 10 pleuvaient dans toutes les sections. Si bien qu’ils durent tirer au sort les candidates...
Celles qui avaient eu la note maximale, je les récompensais par un voyage à Pise, pour la visite des monuments. Durant l’année, j’avais réussi, au prix de mille privations, à mettre de côté la somme nécessaire pour cette balade avec mon groupe de jeunes filles. Ce fut une journée magnifique dont elles se souviennent encore aujourd’hui. Et ce fut d’autant plus réussi que je n’en avais parlé à personne, la surprise fut donc au comble. Car les personnes doivent faire leur devoir par devoir, puis il revient à qui de droit de les récompenser. Vous ne pensez pas ?
Pendant que je m’affairais de la sorte, une étrange agitation grandissait dans mon cœur. Au début de l’année 1931 je sentais quelque chose qui m’avertissait de l’imminence d’un danger. De quel danger s’agissait-il ? Je n’en sais rien ! Cela ne semblait pas me concerner directement, ni même ma famille. Mais un danger de caractère général s’annonçait, j’en étais sûre. Et avec cette certitude grandissait aussi en moi le désir de l’arrêter. Mais comment faire face à un danger qui provient d’une réalité beaucoup plus grande que nous ? Cela peut se faire seulement avec l’aide de Dieu. Et puisque je sentais que c’était un danger grave, très grave, qui approchait, j’éprouvais aussi le besoin d’offrir à Dieu une grande, une très grande moisson. La prière ne suffisait pas. Il y fallait le sacrifice.
J’ai toujours remarqué, dans le mouvement d’ A.C. une nette tendance vers ce que l’on appelle des “croisades”. Croisades de pureté, croisades de charité, croisades d’humilité... Ce sont là d’excellentes initiatives, même si, pour obtenir de bons fruits, il ne faut pas les organiser pour quelques mois seulement.
“On ne devient pas meilleur d’un seul coup” aimait répéter saint Bernard.
On n’acquiert pas une vertu en moins de deux, dirai-je à ma façon. Il faut longtemps insister sur l’une d’elle avant de passer à une autre. Sinon on compose un fouillis comparable à celui que provoquerait un agriculteur improvisé qui sèmerait au hasard un peu n’importe quoi, mélangeant des plantes précoces avec des plantes lentes à pousser, des plantes débordant de feuillage avec des fleurs fragiles, avec comme résultat d’en voir mourir certaines d’étouffement et de devoir en arracher d’autres, en écartant du sol celles qui seraient déjà arrivées à maturité. Un certain ordre est nécessaire, même dans le bien. Toute hâte, tout désordre, est déjà en soi un mal.
Pourtant parmi toutes les croisades que l’on lançait, je remarquais qu’il y en avait une que l’on oubliait toujours : celle du sacrifice. Pourquoi donc ne point parler aux âmes du pouvoir et de la beauté du sacrifice ? Nous chrétiens, nous avons comme Dieu quelqu’un qui s’est sacrifié lui-même et qui nous dit : “Aucun disciple n’est plus grand que son maître. Si vous faites ce que je vous ai montré, alors vous serez mes amis”.
Alors pourquoi cette crainte affreuse de la souffrance chez nous chrétiens ?
Et pourquoi exiger que ce ne soit que Jésus qui se sacrifie et croire que nous chrétiens en sommes exemptés ? [...]