Jésus avait rassasié cinq mille hommes, et ses disciples l’avaient vu marcher sur la mer. Le lendemain, la foule restée sur l’autre rive se rendit compte qu’il n’y avait eu là qu’une seule barque, et que Jésus n’y était pas monté avec ses disciples, qui étaient partis sans lui. Cependant, d’autres barques, venant de Tibériade, étaient arrivées près de l’endroit où l’on avait mangé le pain après que le Seigneur eut rendu grâce. Quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »
(...) Les dons de Dieu ne sont pas l’ordinaire, ils sont l’exceptionnel. On ne peut y prétendre, ni se livrer à la paresse en disant : “ Dieu me les donnera. ” Il est écrit : “ Tu mangeras ton pain baigné par la sueur de ton front ”, c’est-à-dire le pain gagné par le travail. Si celui qui est Miséricorde a dit : “ J’ai pitié de ces foules qui me suivent depuis trois jours, n’ont plus rien à manger et pourraient défaillir en route avant d’avoir atteint Hippos sur le lac, ou Gamla, ou d’autres villes ”, et s’il a pourvu à leurs besoins, cela ne signifie pas pour autant qu’on doive le suivre pour cette raison.
C’est pour bien davantage qu’un peu de pain, destiné à devenir ordure après la digestion, que l’on doit me suivre. Ce n’est pas pour la nourriture qui remplit le ventre, mais pour celle qui nourrit l’âme, car vous n’êtes pas seulement des animaux occupés à brouter, ruminer, ou fouiller avec leur groin et s’engraisser. Mais vous êtes des âmes ! C’est cela que vous êtes ! La chair, c’est le vêtement, l’être c’est l’âme, et elle seule est immortelle. La chair, comme tout vêtement, s’use et finit en poussière : elle ne mérite pas qu’on s’en occupe comme si c’était une perfection à laquelle il faut accorder tous ses soins. (...)
Jésus dit :
[...] « Le mystère du futur et cet autre mystère, plus grand, qu’est l’au-delà ne peuvent être connus sous la forme et avec l’étendue voulues par Dieu, excepté par ceux à qui Dieu veut les faire connaître. Directement, sans intermédiaire, sans support, sans apparat, sans personne pour aider.
Pour l’Esprit, il n’est ni limitations ni obstacles, ni frontières, ni insuffisances, ni besoins. Il est puissant, libre, instantané. Il apporte la lumière et l’intelligence. Même quelqu’un d’inculte ou un handicapé mental, s’il est envahi par l’Esprit Saint, devient savant, non pas de votre pauvre science humaine mais de la sublime science de Dieu.
J’ai dit : “Je te loue, Père, (…) d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits.” En disant “Père”, je disais aussi “Esprit”, parce que le Père ne fait qu’un avec l’Esprit et que je suis avec eux ; par conséquent, qui bénit l’un bénit les trois et qui est aimé de l’un est dans les bras des trois, puisqu’il n’y a pas trois dieux mais un seul Dieu à la nature triniforme et à l’unité unique.
Le Père est grand, le Fils est grand, l’Esprit est grand. Le Père est saint, le Fils est saint, l’Esprit est saint. Le Père est puissant, le Fils est puissant, l’Esprit est puissant. En égale mesure.
Le Père vient dans son unité qui nous engendre. Le Fils vient avec son origine qui sauve. L’Esprit vient avec la flamme septiforme qui sanctifie. Ils viennent en s’aimant et en aimant, et, d’un humble, d’un petit, ils font un œil qui pénètre le mystère de Dieu, une bouche qui prononce les paroles de Dieu.
Ceux que Dieu embrasse ne sont pas ces hommes envahis par l’erreur qui ont la réputation d’être des mages et des devins. Ce ne sont pas non plus ceux qui tentent, par des manifestations d’histrions, de simuler la présence de Dieu en eux pour fasciner les naïfs sans foi véritable. Ce ne sont pas ceux qui tirent profit de leur satanisme. ceux-là sont maudits, et puissent-ils l’être toujours plus !
Ceux que Dieu embrasse sont ceux qui mènent la vie chaste, humble et aimante d’un serviteur de Dieu. Ceux qui ont fui les applaudissements et ont horreur d’être connus. Ceux qui, perdus dans ce gouffre de lumière qu’est Dieu, le cœur nourri de foi et l’esprit de charité, se tiennent comme des bouches mystiques devant mon Moi, et absorbent de moi la vérité et la connaissance. Sans forcer le mystère, sans en faire commerce, sans se montrer autoritaires, ils accueillent ce que je leur donne avec simplicité, amour et honnêteté. [...]
Je viens quand, où et comme je veux, à l’heure et dans les circonstances que je veux. Je vous parle comme je le veux.» [...]
Les Cahiers de 1944, 4 janvier