En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers la dixième heure, (environ quatre heures de l’après-midi). André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu la parole de Jean et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord Simon, son propre frère, et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire : Christ. André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.
(…) Jésus sort sur la petite place. Au seuil de la porte se tiennent Jean et Jacques avec Pierre et André.
« La paix soit avec vous » dit Jésus, qui ajoute : « Voici l’homme qui, pour être juste, a besoin de s’abstenir de juger sans s’être d’abord informé, mais qui sait reconnaître honnêtement ses torts. Simon, tu as voulu me voir ? Me voici. Et toi, André, pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt ? »
Les deux frères se regardent, bien embarrassés. André murmure :
« Je n’osais pas… »
Pierre, tout rouge, ne dit rien. Mais quand il entend Jésus dire à son frère : « Etait-ce un mal de venir ? Il n’y a que le mal qu’on ne doit pas oser faire », il intervient franchement :
« C’est à cause de moi qu’il est resté. Lui, il voulait me conduire à toi sur-le-champ. Mais moi… J’ai dit… Oui, j’ai dit : “ Je n’y crois pas ”, et je n’ai pas voulu. Ah, maintenant, cela va mieux !… »
Jésus sourit, puis il dit :
« Et je te dis que je t’aime pour ta sincérité.
– Mais moi… moi, je ne suis pas bon. Je ne suis pas capable de faire ce que tu as dit à la synagogue. Je suis irascible et, si quelqu’un m’offense… eh bien… Je suis avide et j’aime avoir de l’argent… et dans ma vente de poissons… eh bien… pas toujours… je ne suis pas toujours sans frauder. Et je suis ignorant. Alors j’ai peu de temps à te suivre pour avoir la lumière. Comment faire ? Je voudrais devenir comme tu dis… mais…
– Ce n’est pas difficile, Simon. Tu connais un peu l’Ecriture ? Oui ? Eh bien, pense au prophète Michée. Dieu attend de toi ce que dit Michée. Il ne te demande pas de t’arracher le cœur ni de sacrifier tes affections les plus saintes. Non, il ne te le demande pas pour l’instant. Un jour, sans que Dieu te le demande, tu te donneras aussi toi-même à Dieu. Mais il attend qu’un soleil et une ondée aient fait de toi, qui n’es qu’un brin d’herbe, un robuste palmier dans toute sa gloire. Pour le moment, il te demande ceci : pratiquer la justice, aimer la miséricorde, t’appliquer totalement à suivre ton Dieu. Efforce-toi de faire cela et le passé de Simon sera effacé, et tu deviendras l’homme nouveau, l’ami de Dieu et de son Christ. Non plus Simon mais Céphas, la Pierre solide sur laquelle je m’appuie.
– Voilà qui me plaît ! Ça, je le comprends. La Loi, c’est cela… c’est cela… voilà, je n’arrive plus à l’observer telle que les rabbins l’ont fait devenir !… Mais comme tu l’expliques, oui. Il me semble que j’y arriverai. Et tu m’aideras. Tu restes dans cette maison ? J’en connais le propriétaire.
– Je reste ici, mais je vais aller à Jérusalem, après quoi je prêcherai dans toute la Palestine. Je suis venu pour cela. Mais je reviendrai souvent ici.
– Je viendrai encore t’écouter. Je veux être ton disciple. Un peu de lumière m’entrera dans la tête.
– Dans le cœur, Simon, surtout dans le cœur. Et toi, André, tu ne dis rien ?
– J’écoute, Maître.
– Mon frère est timide.
– Il deviendra un lion. La nuit tombe. Que Dieu vous bénisse et vous donne bonne pêche ! Allez.
La vie de Marie avec son Fils, de l’enfance à la mort (2/3)
Marie dit :
[...] “Et ses premières gentillesses : une petite fleur cueillie au jardin ou en chemin et qu’il m’offrait, un tabouret traîné à mes pieds pour que je fusse plus à l’aise, un objet laissé tomber et qu’il ramassait pour moi.
Et son sourire. Le soleil de notre maison ! La richesse qui couvrait d’or et de soie les murs nus de ma maisonnette ! Ceux qui ont vu le sourire de mon Fils ont vu le Paradis sur Terre. Un sourire serein aussi longtemps qu’il fut enfant. Un sourire de plus en plus peiné jusqu’à en devenir triste au fur et à mesure qu’il devenait adulte. Mais toujours un sourire. Pour tous. Et ce fut une raison de son charme divin qui faisait que les foules le suivaient enchantées.
Son sourire était déjà parole d’amour. Et puis, quand au sourire s’unissait la voix, la plus belle que le monde jamais connût, même le sol et les épis de blé frémissaient. C’était la voix de Dieu qui parlait, Maria. Et ce fut un mystère, que seul les raisons insondables de Dieu peuvent expliquer, que Judas et les Hébreux pussent, après l’avoir entendu parler, arriver à le trahir et à le tuer.
Son intelligence, qui s’ouvrait de plus en plus jusqu’à atteindre à la perfection, m’inspirait admiration et respect. Mais elle était tellement tempérée de bonté que jamais elle ne mortifia personne. Mon doux Fils, qui fus doux avec tout le monde, et surtout avec ta Maman !
Lorsqu’il était jeune garçon, je m’interdisais de l’embrasser comme lorsqu’il était petit. Mais ses baisers et ses caresses ne vinrent jamais à me manquer. C’est lui qui sollicitait sa Maman, dont il comprenait la soif d’amour, à boire la vie en embrassant ses chairs saintes, à boire la joie.
Avant la dernière Cène, il vint chercher le réconfort auprès de sa Maman. Et il resta appuyé sur mon cœur comme pendant son enfance. Il voulut se saturer de l’amour d’une mère pour pouvoir résister au désamour du monde entier.
Plus tard, je l’eus sur mon cœur, déjà mort et glacé dans la lumière blafarde du Vendredi Saint. Et de voir mon Enfant – car pour une mère, son fils est toujours un enfant, et il l’est d’autant plus qu’il est souffrant ou éteint – de voir mon Enfant qui n’était plus qu’une plaie, défiguré par la souffrance endurée, incrusté de sang, nu, lacéré jusqu’au cœur; de voir cette bouche sainte, qui n’avait eu que de saintes paroles, désormais figée ; ces yeux adorés dont le regard était une bénédiction, ces mains qui n’avaient bougé que pour travailler, bénir, guérir, caresser; ces pieds qui s’étaient fatigués à essayer de rassembler son troupeau et que son troupeau avait transpercés ; tout cela fut un tourment infini qui déborda sur la Terre pour la racheter et envahit les firmaments qui frissonnèrent de pitié.
Tous les baisers que j’avais dans mon cœur et que, à cause des séparations forcées des trois dernières années, je n’avais pu lui donner, je les lui ai donnés alors. Pas une meurtrissure qui ne resta sans un baiser et des larmes. Et je suis seule à savoir combien il y en avait. Ce furent les baisers et les pleurs qui lavèrent les premiers son corps sans vie, et je ne me lassais pas de l’embrasser avant de le voir disparaître sous les arômes, les bandelettes, le suaire, le linceul et enfin, derrière la pierre qu’on fit rouler devant l’entrée du Sépulcre.” [...]
Jamais je n’aurais cru qu’un commentaire de l’Evangile puisse me toucher autant. Je lis les méditations depuis que vous me les envoyez, avec admiration. Mais celle-là, c’est un sommet. Je vais demander que le texte de Jean 15, 9-17 soit lu à mes obsèques religieuses si c’est possible... lorsque le jour sera venu !