Le lendemain, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. » Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.” Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
(...) Jésus et Jean se fixent un moment, Jésus de son regard bleu si doux, Jean de ses yeux sévères, très noirs, remplis d’éclairs. A les voir tout proches, ils sont l’antithèse l’un de l’autre. Tous les deux grands – c’est leur seule ressemblance –, ils diffèrent énormément par tout le reste : Jésus blond, ses longs cheveux bien peignés, le visage d’un blanc d’ivoire, des yeux bleus, un vêtement simple mais majestueux. Jean hirsute, des cheveux noirs et raides qui lui tombent sur les épaules à des longueurs inégales, une barbe noire rare qui lui couvre presque tout le visage, mais n’empêche pas de découvrir des joues creusées par le jeûne ; il a des yeux noirs fiévreux, une peau bronzée par le soleil, les intempéries et le poil épais qui le couvre, il est à demi nu sous un vêtement en poil de chameau retenu à la taille par une ceinture de peau et qui lui couvre le torse, descendant à peine au-dessous de ses flancs amaigris et laissant du côté droit les côtes découvertes, qui n’ont pour tout vêtement que la peau tannée à l’air libre. On dirait un sauvage et un ange face à face.
Après avoir scruté Jésus d’un œil pénétrant, Jean s’exclame :
« Voici l’Agneau de Dieu. Comment peut-il se faire que mon Seigneur vienne à moi ? »
Jésus lui répond paisiblement :
« C’est pour accomplir le rite de pénitence.
– Jamais, mon Seigneur. C’est à moi de venir à toi pour être sanctifié, et c’est toi qui viens à moi ? »
Comme Jean s’était incliné devant lui, Jésus lui pose la main sur la tête, et lui répond :
« Permets que tout se fasse comme je le veux, pour que toute justice soit accomplie, que ton rite entraîne les hommes vers un plus haut mystère et qu’il leur soit annoncé que la Victime est dans ce monde. »
Jean l’observe d’un œil qu’une larme adoucit, et il le précède vers la rive. Jésus enlève son manteau, son vêtement et sa tunique, ne gardant qu’une espèce de caleçon court, puis il descend dans l’eau où Jean se trouve déjà. Celui-ci le baptise en lui versant sur la tête de l’eau du fleuve, avec une sorte de tasse pendue à sa ceinture et qui me paraît être une coquille ou la moitié d’une courge évidée et séchée.
Jésus est vraiment l’Agneau : il est Agneau par la blancheur de sa chair, la modestie de ses traits, la douceur de son regard.
Pendant que Jésus remonte sur la berge et que, après s’être vêtu, il se recueille en prière, Jean le désigne à la foule et témoigne qu’il l’a reconnu au signe que l’Esprit de Dieu lui avait indiqué et qui désignait infailliblement le Rédempteur. (...)