En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
(…) Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde. Mais si vous manquez à votre mission, vous deviendrez un sel insipide et inutile. Rien ne pourra plus vous rendre cette saveur. Car, après avoir reçu ce don de Dieu, vous l’avez perdu en le diluant dans les eaux fades et souillées de l’humanité, en l’affadissant par la douceur corrompue des sens, en mêlant au sel pur de Dieu des monceaux de déchets d’orgueil, d’avarice, de gourmandise, de luxure, de colère, de paresse, de sorte que l’on a un grain de sel pour sept fois sept grains de chaque vice. Votre sel n’est alors qu’un mélange de pierraille dans laquelle le pauvre grain de sel est perdu, de pierraille qui crisse sous les dents, qui laisse dans la bouche un goût de terre et rend la nourriture désagréable, répugnante. Il n’est même plus bon pour des usages inférieurs car un savoir pétri des sept vices nuirait même aux missions humaines. Alors le sel n’est bon qu’à être jeté et foulé aux pieds insouciants des hommes. Que de monde, que de monde pourra ainsi piétiner les hommes de Dieu ! Car ces appelés auront permis au peuple insouciant de les écraser, puisqu’ils ne sont plus la substance vers laquelle on accourt pour trouver la saveur de choses nobles, célestes : ils seront uniquement des rebuts.
Vous êtes la lumière du monde. Vous êtes comme ce sommet qui a été le dernier d’où le soleil ait disparu et le premier à recevoir la lumière argentée de la lune. Celui qui se trouve en haut brille, et on le voit car même l’œil le plus distrait se pose parfois sur les hauteurs. Je dirais que l’œil matériel, dont on dit qu’il est le miroir de l’âme, reflète le désir de l’âme, le désir souvent inaperçu, mais toujours vivant tant que l’homme n’est pas un démon, le désir des hauteurs, des hauteurs où la raison place instinctivement le Très-Haut. Et en cherchant les cieux, il lève les yeux vers les hauteurs, du moins quelquefois au cours de sa vie.
Je vous prie de vous rappeler ce que tous nous faisons, depuis notre plus tendre enfance, en entrant à Jérusalem. Où se précipitent nos regards ? Vers le mont Moriah que couronne le triomphe de marbre et d’or du Temple. Et quand nous sommes dans son enceinte ? Nous regardons les dômes précieux qui resplendissent au soleil. Que de beautés à l’intérieur de l’enceinte sacrée, dans ses atriums, dans ses portiques et dans ses cours ! Mais l’œil s’élance vers le haut. Je vous prie encore de vous souvenir de nos voyages. Où se dirige notre regard, comme pour oublier la longueur du chemin, la monotonie, la fatigue, la chaleur ou la boue ? (…)