En ce temps-là, la mère de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, s’approcha de Jésus avec ses fils Jacques et Jean, et elle se prosterna pour lui faire une demande. Jésus lui dit : « Que veux-tu ? » Elle répondit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. » Jésus répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » Ils lui disent : « Nous le pouvons. » Il leur dit : « Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé par mon Père. » Les dix autres, qui avaient entendu, s’indignèrent contre les deux frères. Jésus les appela et dit : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
(…) Les apôtres se sont arrêtés pour les attendre et se sont tous regroupés, même Jacques et Jean, qui étaient derrière les autres avec leur mère. Pendant qu’ils se reposent de la marche et que certains mangent un peu de pain, la mère de Jacques et Jean s’approche de Jésus et se prosterne devant lui, qui ne s’est même pas assis dans sa hâte de reprendre la route.
Jésus l’interroge, car il est visible qu’elle désire lui demander quelque chose :
« Que veux-tu, femme ? Parle.
– Accorde-moi une grâce, avant que tu t’en ailles, comme tu l’annonces.
– Quoi donc ?
– Ordonne que mes deux fils, qui ont tout quitté pour toi, siègent l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, quand tu seras dans ta gloire, au Royaume des Cieux. »
Jésus observe la femme, puis il tourne les yeux vers les deux apôtres et leur dit :
« C’est vous qui avez suggéré cette idée à votre mère en interprétant très mal mes promesses d’hier. Ce n’est pas dans le cadre d’un royaume de la terre que vous obtiendrez le centuple de ce que vous avez quitté. Vous aussi, vous devenez avides et sots ? Mais ce n’est pas vous : c’est déjà le crépuscule empoisonné des ténèbres qui s’avance et l’air souillé de Jérusalem qui approche, vous corrompt et vous aveugle… Vous ne savez pas ce que vous demandez ! Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ?
– Nous le pouvons, Seigneur.
– Comment pouvez-vous dire cela, si vous n’avez pas compris quelle sera l’amertume de ma coupe ? Ce ne sera pas seulement l’amertume que je vous ai décrite hier, mon amertume d’homme de toutes les douleurs. Il y aura des tortures que, même si je vous les décrivais, vous ne seriez pas en mesure de comprendre… Vous ressemblez à deux enfants qui ne connaissent pas la portée de ce qu’ils demandent, mais puisque vous êtes deux esprits justes et que vous m’aimez, il est certain que vous boirez à ma coupe. Cependant, il ne dépend pas de moi de vous accorder de siéger à ma droite ou à ma gauche. Il appartient à mon Père de l’accorder à ceux pour qui il l’a préparé. »
Les autres apôtres, pendant que Jésus parle encore, critiquent âprement la requête des fils de Zébédée et de leur mère. Pierre lance à Jean :
« Toi aussi ! Je ne te reconnais plus ! Tu n’étais pas comme ça !»
Et Judas, avec son sourire de démon :
« Vraiment, les premiers sont les derniers ! Quel temps de découvertes surprenantes… »
Mais il rit jaune.
« Serait-ce pour les honneurs, que nous avons suivi notre Maître ? » ajoute Philippe sur un ton de reproche.
Thomas, au contraire, cherche à excuser les deux frères, et il s’en prend à Marie Salomé :
« Pourquoi provoquer l’humiliation de tes enfants ? Tu aurais dû réfléchir, si eux ne l’ont pas fait, et empêcher cela.
– C’est vrai. Notre mère ne l’aurait pas fait » approuve Jude.
Barthélemy reste en silence, mais son visage marque clairement sa désapprobation.
Simon le Zélote tente de calmer l’indignation :
« Nous pouvons tous nous tromper… »
Matthieu, André et Jacques, fils d’Alphée, ont beau ne pas intervenir, ils souffrent visiblement de l’incident qui entache la belle perfection de Jean.
Jésus fait un geste pour imposer le silence et il dit :
« Allons donc ! Une seule erreur va-t-elle en susciter un grand nombre ? Vous qui exprimez des reproches indignés, ne vous apercevez-vous pas que vous péchez, vous aussi ? Laissez tranquilles vos deux frères. Ma réprimande suffit. Leur humiliation est visible, leur repentir humble et sincère. Il vous faut vous aimer et vous soutenir mutuellement. Car, en vérité, aucun d’entre vous n’est encore parfait. Vous ne devez pas imiter le monde. Dans le monde, vous le savez, les chefs des nations les dominent et les puissants exercent sur elles leur autorité au nom du chef. Mais, parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Vous ne devez pas avoir la prétention de dominer les hommes, ni vos compagnons. Au contraire, que celui d’entre vous qui veut devenir grand se fasse votre ministre, et que celui qui veut être le premier se fasse le serviteur de tous, comme l’a fait votre Maître. Suis-je donc venu pour opprimer et dominer ? Pour être servi ? Non, en vérité : je suis venu pour servir. Et de même que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour le rachat d’un grand nombre, vous devrez savoir en faire autant, si vous voulez être comme je suis et où je suis. Maintenant, allez, et soyez en paix entre vous comme je le suis avec vous. »
Jésus me dit :
« Souligne bien l’expression : “ … il est certain que vous boirez à ma coupe. ” Dans les traductions, on lit : “ ma coupe ”. J’ai dit : “ à ma coupe ” et non pas “ ma coupe ”. Nul autre que moi n’aurait pu boire ma coupe. Moi seul, le Rédempteur, j’ai dû boire mon calice jusqu’à la lie. A mes disciples, à mes imitateurs et à ceux qui m’aiment, il est certainement permis de boire, à cette coupe où j’ai bu, une goutte, une gorgée, ou les gorgées que la prédilection de Dieu leur permet de boire. Mais jamais personne ne boira la coupe tout entière comme je l’ai fait. Il est donc juste de dire : “ à ma coupe ” et non pas “ ma coupe ”. »
Jésus dit :
“ [...] Dieu est en vous quand vous êtes en grâce. Et c’est de votre cœur que Dieu veut faire son autel. Aux premiers temps de mon Eglise, il n’y avait pas de cathédrales, mais j’avais un trône digne de moi dans chaque cœur chrétien.
Ensuite, il y a ceux qui viennent à moi seulement quand le besoin les pousse ou la peur les éperonne. Alors ils viennent frapper à mon tabernacle qui s’ouvre, accordant toujours réconfort, et souvent, si elle est utile, la grâce demandée. Mais je voudrais que les humains viennent à moi, non seulement pour demander, mais aussi pour donner.
Puis il y a ceux qui s’approchent de la sainte Table, où je me fais nourriture, par habitude. En eux, les fruits du sacrement durent le peu de temps que durent les Espèces et puis ils se dissipent. Puisqu’ils viennent à moi sans aucun élan du cœur, ils ne progressent pas dans la vie de l’esprit, laquelle est essentiellement vie de charité. Je suis charité et j’apporte la charité, mais ma charité vient à languir dans ces âmes tièdes que rien ne réussit à réchauffer davantage.
Une autre catégorie est celle des pharisiens. Ils existent encore ; c’est une mauvaise herbe qui ne meurt pas. Ceux-ci feignent l’ardeur mais ils sont plus froids que la mort. Toujours semblables à ceux qui me mirent à mort, ils viennent et se mettent bien en vue, gonflés d’orgueil, saturés de fausseté, sûrs de posséder la perfection, sans aucune miséricorde excepté pour eux-mêmes, convaincus qu’ils sont un exemple pour le monde. Au contraire, ce sont ceux qui scandalisent les petits et les éloignent de moi, car leur vie est à l’opposé de ce qu’elle devrait être, leur piété est de forme et non de substance et elle se transforme, à peine sont-ils loin de l’autel, en dureté envers leurs frères et sœurs. Ils mangent leur condamnation car, connaissant votre faiblesse, je pardonne beaucoup de choses, mais je ne pardonne pas le manque de charité, l’hypocrisie, l’orgueil. Je fuis ces cœurs le plus vite possible.
Si l’on considère ces diverses catégories, il est facile de comprendre pourquoi l’Eucharistie n’a pas encore fait un paradis de ce monde comme elle aurait dû le faire. C’est vous qui entravez l’avènement de l’amour, qui vous sauverait comme individus et comme société. Si vous vous nourrissiez réellement de moi avec le cœur, avec l’âme, avec l’esprit, avec la volonté, avec la force, avec l’intellect, avec en somme toutes vos facultés, les haines tomberaient et avec les haines, les guerres ; il n’y aurait plus de fraudes, de calomnies, de passions déréglées qui suscitent les adultères et à leur suite les homicides, l’abandon et la suppression des innocents. Le pardon réciproque serait, non sur les lèvres, mais dans les cœurs de tous, et vous seriez pardonnés par mon Père.
Vous vivriez en anges et passeriez vos journées à m’adorer en vous et en m’invoquant pour la prochaine venue. Ma présence constante dans vos pensées vous tiendrait loin du péché, qui commence toujours par une activité intense de la pensée, laquelle se traduit ensuite par l’acte. Mais du cœur devenu ciboire n’émaneraient que des pensées surnaturelles et la Terre en serait sanctifiée.
La Terre deviendrait un autel, un vaste autel prêt à recevoir la deuxième venue du Christ, Rédempteur du monde.”